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Son souffle est un torrent débordé,
Où l’on plonge jusqu’au cou.

Il vient pour vanner les nations avec le van de la ruine,
Et passer la bride de l’égarement aux mâchoires des peuples.

Vos chants éclateront alors comme en la nuit de la fête ;

Votre joie sera celle des pèlerins qui viennent à la montagne de Iahvé au son de la flûte…


Oui, à la voix de Jahvé Assur tremble ;
Car Iahvé va le frapper de sa verge.
Et, à chaque coup de verge dont Iahvé le frappe,
Retentissent les tambourins et les harpes (des peuples) ;
La bataille est ardente autour de lui ;
Car, depuis hier, la fosse de feu est préparée,
Préparée pour Assur, préparée pour le roi ;
On l’a faite large et profonde ;
Du feu, du bois en abondance !
Le souffle de Iahvé, comme un torrent de soufre, la fait flamber.

Ce ne fut qu’au bout de trois ans que Sennachérib, vainqueur de ses ennemis dans la région du Tigre et de l’Euphrate, put se tourner vers la Syrie et l’Égypte. Il prit par la vallée de l’Oronte et la côte, écrivit sa stèle sur les rochers du fleuve du Chien, au nord de Beyrouth, comme l’avait déjà fait Ramsès II, écrasa toutes les petites royautés phéniciennes, Tyr exceptée, ne fut arrêté que devant Ékron. Là il rencontra une première armée égyptienne, qu’il mit en pièces ; il prit la ville, et tourna toutes ses forces contre Lakis, au sud du pays des Philistins.

Comment Ézéchias, qui avait trempé dans la ligue contre l’Assyrie, ne joignit-il pas ses forces à celles de l’Égypte et des villes philistines pour arrêter Sennachérib à Ékron ? Ce fut là, sans doute, une des suites de l’indécision extrême que la turbulence des prophètes faisait régner dans les conseils du roi de Jérusalem. Isaïe n’était pas assez fort pour empêcher les patriotes israélites de se tourner vers l’Égypte et l’Éthiopie ; mais son éternelle déclamation contre les précautions humaines et tout ce qui pouvait ressembler à une politique de prévoyance, paralysait ce qu’aurait pu faire Ézéchias. Le bon sens naturel du roi et sa piété se neutralisaient.

L’armée assyrienne ravagea la Judée d’une effroyable manière. L’émotion à Jérusalem fut extrême. Aucun préparatif n’avait été fait pour résister. Le mur de la citadelle était plein de brèches ; on n’avait pas pris de mesures pour soustraire l’approvisionnement d’eau à l’ennemi. Les prophètes eussent vu dans ces précautions une sorte d’injure à Iahvé. À ceux qui parlaient de chevaux, de