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Notre commission douanière, récemment élue au sein du parlement, pourra méditer avec fruit ces chiffres inquiétans pour notre propre agriculture. La France devra décider si, à l’imitation des États-Unis, l’heure n’est pas venue de se protéger efficacement contre une invasion qui menace de la submerger.

Le department of agriculture, admirablement renseigné à Washington par ses agens extérieurs, ne perd pas de vue un seul instant les statistiques étrangères. Il ausculte chaque jour les besoins courans et probables, comme les prévisions de récoltes, de ses cliens naturels d’Europe. Plein de prévoyance pour ses nationaux, il vient de les faire avertir, par récentes circulaires adressées à ses stations agricoles des états, de se mettre en mesure pour restreindre cette année la culture des grains et lui substituer celle d’autres espèces végétales. Nul doute que cet avis sera écouté.

Entrons maintenant dans quelques détails sur la production des céréales. A tout seigneur, tout honneur. Voici le maïs, au panache doré, qui a conservé son nom primitif d’Indian corn, le grain indien, dénommé plus tard, en Orient, blé de Turquie. Il en a été de même pour le dinde (Indian), qui a pris et conservé le nom anglais de Turkey. Originaire de l’Amérique, exporté dans le bassin de la Méditerranée après la découverte de Colomb, et de là en Angleterre, il n’a pas pu s’y acclimater à l’état sauvage, mais il a retenu son surnom britannique.

Le maïs fut le vieux père nourricier des tribus indiennes, qui ignoraient la culture des autres grains : plante semi-tropicale qui a besoin des ardeurs hâtives du soleil pour arriver à maturité, et dont le royaume s’étend du Mexique au Canada, des rives de l’Atlantique à celles du Pacifique. C’est surtout dans la partie nord du centre de ces régions qu’il se livre à tout son épanouissement. En 1880, l’Iowa, l’Illinois, le Missouri, l’Indiana, l’Ohio et le Kansas en ont jeté chacun sur le marché plus de cent millions de boisseaux. Ils ont produit 73 pour 100 de la récolte générale : c’est là où a été récoltée la quantité la plus abondante par acre. La moyenne s’y est élevée à 35 boisseaux, tandis que dans les autres régions elle n’a pu dépasser 25 boisseaux. Il faut remarquer que les deux régions extrêmes, Nouvelle-Angleterre au nord, Floride et Louisiane au sud, restent les moins favorables à ce genre de culture.

La production de 1880 s’est élevée à 1,754,591,676 boisseaux, récoltés sur 62,368,869 acres cultivés. On peut en déduire que cette céréale est celle qui a le plus rapidement progressé, même proportionnellement à la population, comme le démontrent les quatre derniers recensemens. Nous rappellerons toutefois que la