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Le reste de l’armée, après avoir poursuivi les débris de l’armée turque jusqu’à Salayeh, revint aussi au Caire, ramenant quinze pièces de canon et beaucoup de prisonniers enlevés à l’ennemi.

Toute l’armée commença aussitôt l’investissement de la ville révoltée. La citadelle et les forts dirigèrent sur elle tous les feux qu’ils pouvaient donner.

J’eus le chagrin de perdre, à la bataille d’Héliopolis, mon second frère. Il était mon aîné et avait voulu, contrairement à mes conseils, faire partie de l’expédition d’Egypte. Depuis notre départ de Toulon, notre mère n’avait reçu de nous aucunes nouvelles et croyait ne nous revoir jamais. J’étais désormais le seul survivant des trois frères.

Cependant le Caire se défendait ; jamais ville ouverte ne fit une résistance plus grande. Les 6,000 Turcs qui avaient pénétré dans la ville pendant la bataille d’Héliopolis s’étaient retranchés sur la place de l’Esbekieh. Nous élevâmes, sur la même place, une autre ligne de retranchemens parallèle à celle des Turcs. Cette place devint, chaque jour, le théâtre de combats acharnés. Nous n’avancions pas, et nous perdions, dans cette guerre de chicanes, beaucoup de bons soldats.

Voulant ménager le Caire, et cependant frapper les esprits, on résolut de faire un exemple sur la petite ville de Boulaq. En conséquence, on donna l’ordre de former un gros détachement, dont nous fîmes partie, avec la division Friant.


Prise d’assaut de Boulaq.

Boulaq est une petite ville, située sur le bord du Nil, à une petite lieue du Caire, dont elle est pour ainsi dire un faubourg. Boulaq avait été le foyer de toutes les insurrections.

Nous fîmes l’investissement de la place, qui était entourée de mauvais murs, pendant que l’on faisait pleuvoir sur la ville une grêle de bombes et d’obus. Après ce bombardement, on fit sommer Boulaq, mais les habitans s’obstinèrent à se défendre. La ville fut enlevée d’assaut. Il fallut s’emparer des maisons, une à une, et pour effrayer le Caire, le pillage fut accordé aux soldats, qui, après y avoir commis mille horreurs, mirent le feu à cette malheureuse ville.

J’étais déjà familiarisé avec ces scènes de cruauté, mais non avec les excès que je vis commettre à Boulaq. C’était abominable !

Les soldats usèrent et abusèrent de ce prétendu droit de la guerre qui livre à leur merci de pauvres habitans dans une ville prise