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Le comté de Bourbon, entre autres, qui fait partie du Kansas, avait consacré à la nouvelle culture 993 acres, dont 800 vinrent approvisionner les moulins de Fort-Scott. Une certaine partie de la récolte fut réservée à des expériences ; le surplus rendit 99,300 gallons de sirop et 400,000 livres de sucre, sans compter une quantité considérable de semences propres à la revente. Après tous les tâtonnemens d’une première tentative, le bénéfice net s’est encore élevé à 16,000 dollars au profit des actionnaires de l’usine. Le début était d’autant plus encourageant pour les imitateurs que le Sénat venait de voter une prime de 2 cents pour chaque livre produite de sucre de sorgho. Il est vrai d’ajouter que, dans sa munificence, le Sénat a oublié de voter le crédit budgétaire correspondant et que les producteurs n’ont pas encore reçu satisfaction.

M. Rusk a voulu voir de ses propres yeux les progrès accomplis : le dernier automne de 1889, il se rendit au Kansas au moment du roulage. La saison avait été moins bonne, à raison de la qualité inférieure des jus. On avait péché par inexpérience : depuis lors, les usines de Fort-Scott ont formé des agronomes et ingénieurs experts, qui sont partis rayonner dans les fabriques de Conway-Springs, de Douglas, et de Topeka. La réussite cette fois a été complète, à ce point qu’on a entrepris une nouvelle et immense raffinerie centrale qui sera mise en train la saison prochaine. Voilà donc le sorgho acclimaté : c’est une ressource nouvelle pour le fermier de ces contrées et qui lui permettra de restreindre la culture excessive des céréales. En effet, le bon sorgho produit une moyenne de 12 tonnes par acre. L’usinier paie au planteur 2 dollars par tonne de sorgho amené au pied du moulin, soit 24 dollars par acre : produit bien supérieur à celui du blé ou du maïs. La tonne de sorgho rend en moyenne 51 livres de sucre, plus 14 gallons de mélasse, nouvelle source de recette. L’acre correspond donc à un rendement de 612 livres de sucre et de 168 gallons de mélasse.

Le centre méridional de l’Arkansas et le centre septentrional du territoire Indien (grande réserve de 64,000 milles carrés, deux fois égale à l’étendue du Portugal, où sont confinés par traités 50,000 Indiens, restes des Cherokees et autres tribus refoulées), son( aussi réputés des plus propices à la culture du sorgho. Nul doute qu’avant peu les États-Unis, où tout se pratique sur une grande échelle, arrivent à se suffire en denrée sucrière.

La grosse question à résoudre, et son importance peut être diminuée par le perfectionnement des machines, c’est le prix de la main-d’œuvre, trop élevé sur ces territoires nord éloignés des côtes. Le blanc s’y fait payer de 15 à 20 dollars par mois, nourri et logé, tandis que dans le sud, le noir ne reçoit du planteur que