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822 REVUE DES DEUX MONDES. VALMEYR. Oui, évidemment... Mais enfin, cette émotion, parce que cinq ou six vieilles bêtes à moitié moisies sont venues à ce banquet, vous m’accorderez que c’est inouï... Au fond, voyez-vous, votre père était fait pour avoir de la religion... Ne le lui dites pas, au moins, je crois qu’il m’étranglerait!.. C’est un faux impie, sincère dans son impiété, mais dupe d’elle. Tandis que moi, spiritualisme ou matérialisme, toutes les philosophies et toutes les religions, je m’en fiche comme de la dernière cigarette que j’ai fumée. ADRIENNE. Ah! vous êtes détaché, comme dit M. de Favreuil. VALMEYR. Je m’en vante... A propos, il est charmant, ce baron... Il m’a tout de suite offert sa stalle à l’Opéra pour vendredi. Je n’en re- venais pas. ADRIENNE. Il est très aimable, en effet... extrêmement aimable, je vous en préviens... Irez-vous, vendredi? VALMEYR. Non. Je suis de garde à l’hôpital. ADRIENNE. Voilà ce qu’il y a d’ennuyeux dans le métier de médecin ; on n’est jamais libre... A propos, pourquoi avez-vous choisi cette car- rière-là plutôt qu’une autre ? VALMEYR. Une autre... Laquelle?.. ADRIENNE. Mais... les affaires, par exemple. Il me semble que vous y au- riez fort bien réussi, avec votre esprit net, positif. VALMEYR. Oh ! les affaires, ça ne vaut pas la médecine, c’est bien moins sûr!.. Songez donc qu’un médecin a comme alliées la crainte de la douleur et la crainte de la mort, qui sont générales, qui sont éternelles, qui travaillent continûment pour lui. La médecine, voyez- vous, c’est la pusillanimité des autres. Trouvez-moi quelque chose de plus sûr que ça!