Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/843

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NI DIEU NI MAITRE. 837 THÉRÈSE. Comment, on ne sait jamais?.. En tout cas, ce n’est pas un mé- decin comme toi, dont le coup d’œil est infaillible, qui ne s’aper- cevrait pas de son état, si sa santé venait à s’altérer ! PIERRE. Il y a des maladies bien sournoises!.. Trousseau, tu sais, le grand Trousseau, avait passé dix ans de sa vie à étudier le cancer de l’estomac, à en déterminer les symptômes., et, lui-même, avait depuis je ne sais combien de temps un cancer qui lui mangeait l’estomac et dont il ne soupçonnait pas l’existence!.. C’est un mois avant la fin, qu’ayant remarqué de l’enflure à ses jambes, il com- prit tout à coup et dit à ses élèves : « Mes amis, dans tant de jours, je serai mort. » Tu vois qu’un médecin peut être malade sans le savoir... THÉRÈSE. Ah! mon Dieu, mais tu ne l’es pas, toi, au moins? TIERRE. Pas plus que toi... je parle en général... Dis-moi, ma bonne Thérèse, as-tu fait le compte des dépenses de la maison, ce mois-ci ? THÉRÈSE. Mais oui, comme d’habitude. PIERRE. t Il faudra me le montrer. THÉRÈSE. Te le montrer! Mais tu n’as jamais voulu regarder un seul de mes comptes! PIERRE. Eh bien, je les regarderai désormais, voilà tout... THÉRÈSE. Quel miracle! Mais tu deviens un homme d’ordre, mon mari! PIERRE. Oui... Nous dépensons trop... Il faut absolument faire des éco- nomies... On ne sait pas ce qui peut arriver. THÉRÈSE. Qu’est-ce que tu dis?