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ses droits de copropriété des seules restrictions que l’État y eût apportées jusqu’alors, l’aristocratie se dédommageait amplement. Elle pouvait rapidement devenir, dans l’état de misère des petits cultivateurs, propriétaire absolue du territoire tout entier.

Le roi, Schrötter, la commission immédiate, repoussèrent sans hésitation le maintien de la domesticité obligatoire, qui eût presque réduit l’abolition du servage à une pure dérision.

Ils se montrèrent beaucoup plus embarrassés en présence des revendications de l’aristocratie foncière sur les tenures rurales. La plupart de celles-ci avaient été dévastées durant la guerre, et il était difficile d’exiger des grands propriétaires, ruinés eux-mêmes et sans crédit, qu’ils fissent les frais nécessaires pour leur rétablissement.

Shön, tout à ses idées théoriques sur l’économie politique, sur le libre commerce des terres et sur l’avantage des grandes cultures, eût admis l’extension du domaine noble aux dépens des tenures rurales. Il la subordonnait seulement à la suppression du servage et à un certain contrôle administratif. Niebuhr acceptait ces idées, mais Stagemann, plus enclin à protéger les paysans dans leur situation de fait, résistait et ne voulait accorder à la noblesse le droit d’accaparement que dans des cas très exceptionnels.

Sur ce point, comme sur l’extension de l’édit au royaume entier, les esprits étaient partagés, les volontés flottantes. On sentait autant que jamais l’absence de décision.

En réponse à l’ordre de cabinet du 23 août, les deux Schrötter déposèrent, le 9 septembre, un nouveau projet. Ils insistaient pour que la mesure fût restreinte aux provinces prussiennes et non étendue, comme le roi l’avait demandé, à l’ensemble du royaume. Ils se montraient favorables aux revendications de la noblesse sur les terres des paysans.

La commission immédiate présenta, de son côté, au roi, à la date du 30 septembre, de nouvelles propositions fort semblables à celles du 17 août. La suppression de la sujétion héréditaire devait être accomplie en trois années. Elle était toujours limitée aux provinces prussiennes, — Prusse orientale et occidentale et Lithuanie. La commission accordait à la noblesse le droit d’accaparer les tenures rurales, à condition que la sujétion héréditaire eût disparu et sous la réserve d’un contrôle assez platonique des chambres provinciales.

Ces idées n’étaient partagées sans réserves ni par Altenstein, qui voulait étendre ledit au reste du royaume, ni par Stagemann, qui se refusait à sacrifier les petits cultivateurs.

Stagemann dit le mot de la situation en conseillant, dans son rapport du 26 septembre, d’attendre l’arrivée de Stein.