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procurer à une femme le plaisir de le défaire, devint une source de fortune pour maint industriel ; l’or qu’on tirait de là ne représentait pas même la moitié du prix d’achat. Ils finiront par leur faire mettre la Seine en bouteilles, murmurait un homme d’esprit devant les travaux que le gouvernement provisoire imaginait, en 1848, pour occuper les ouvriers ! Quoi qu’il en soit, tous les présens, les paris de femme à femme furent en fils d’or, les dettes de jeu dans beaucoup de maisons se payaient avec cette marchandise, et les bobines prirent toutes les formes : meubles, cabriolets, cabarets garnis de tasses, basses-cours complètes avec poules et dindons, chiens, chats, perruques, écrans. Lauzun donne à la comtesse Amélie de Boufflers une fausse harpe en parfilage qui avait coûte plus de 1,000 francs ; Mme du Deffand envoie à la maréchale de Luxembourg une chaise en parfilage avec accompagnement de couplets.

Le parfilage devint même un instrument de ridicule, un moyen de vengeance. L’abbé de Voisenon, « cette épluchure de grands vices, » ayant félicité Maupeou d’avoir rogné les ongles à la Chicane et enlevé son bandeau à Thémis, cet éloge semble une injure aux Choiseul, et très gravement l’Académie délibère s’il n’y a pas lieu de lui infliger un blâme public : « Messieurs, opina charitablement Duclos, pourquoi voulez-vous tourmenter ce pauvre infâme ? » — A défaut de blâme, on le représente en girouette de parfilage, et le bruit court, à Paris, qu’on l’a mis sur un des pavillons de Chanteloup, vis-à-vis de Voltaire, coupable, lui aussi, d’avoir demandé une couronne civique pour le chancelier, ce nouveau L’Hospital, qui tout seul du dédale des lois a su retirer la couronne et l’a rapportée au palais de nos rois. Et vainement celui-ci se plaint-il à la marquise du Deffand d’avoir été calomnié, vainement proteste-t-il qu’il n’a vu en Maupeou que l’homme qui a frappé les assassins de Calas, La Barre, Sirven et Lally, vainement, pour attendrir les Choiseul, peint-il, dans des lettres charmantes, sa reconnaissance et son admiration, jamais il ne put rentrer en grâce : « J’ai fait prier M. de Voltaire, écrit la duchesse, le 10 janvier 1772, de traiter M. de Choiseul comme on traite Dieu en certains pays, où il est défendu d’en parler en bien ou en mal… » Et ailleurs : « Il vous mande qu’il est fidèle à ses passions, il devrait dire à ses faiblesses. Il a toujours été poltron sans danger, insolent sans motif et bas sans objet. Tout cela n’empêche pas qu’il soit le plus bel esprit de son siècle, qu’il ne faille admirer son talent, savoir par cœur ses ouvrages, s’éclairer de sa philosophie, se nourrir de sa morale ; il faut l’encenser et le mépriser : c’est le sort de presque tous les objets du culte. »

Mme de Beauvau avait l’habitude de donner en parfilage, à chaque