Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/895

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vaticiner des prédictions menaçantes et crier au déluge devant la moindre atteinte à d’injustes privilèges, en appeler de la logique de la raison à la logique des passions, livrer la ville aux incendiaires par haine du pompier qui veut la sauver en sacrifiant une partie des faubourgs, organiser la Fronde du dédain et du sarcasme, la guerre des petits papiers et des intrigues, telle est, telle fut trop souvent la tactique des oppositions de cour et de salon ; tactique qui leur valut des succès éphémères suivis de désastres sans fin. Quelques jours après la retraite de Turgot, d’Alembert faisait son éloge et le félicitait d’avoir exécuté un grand abatis dans la forêt des préjugés. « C’est donc pour cela qu’il nous a donné tant de fagots ! » interrompit la duchesse de Fleury. La réplique était charmante, mais comment oublier qu’en refusant la coupe du bon père de famille, on allait livrer la forêt tout entière à la hache des furieux qui la détruiraient jusque dans les racines ?


II

Rempli de son mérite,
Portant le nez au vent,
Choiseul parut ensuite,
Et, d’un air turbulent,
Dit sans aucun égard : changeons de cabane,
Je vais tout culbuter ici.
Je réforme le bœuf aussi,
Et je conserve l’âne.

Les noëls satiriques[1] étaient en grand honneur au siècle dernier : ils se composaient de couplets où, sur un air populaire, la crèche, la sainte famille, les trois mages, la cour et les ministres se trouvaient chansonnés avec plus ou moins d’esprit et de convenance. De l’Isle y excellait et le noël dont je viens de

  1. Sur le duc, la duchesse de Choiseul et leurs amis, voir : Gaston Maugras, la duchesse de Choiseul et le patriarche de Ferney, 1889 ; Calmann Lévy. — De Goncourt : la Du Barry, Mme de Pompadour, la Femme au XVIIIe siècle, 3 vol. ; Charpentier. — Correspondance de Mme du Deffand avec la duchesse de Choiseul, etc., publiée par le marquis de Sainte-Aulaire, 3 vol. ; Calmann Lévy. — de Lescure : Correspondance de Mme du Deffand, 2 vol. in-8o ; les Femmes philosophes, 1 vol. in-18. — Souvenirs du baron de Gleichen, 1 vol. ; Techener, 1872. — Comte d’Haussonville : le Salon de Mme Necker. — Sainte-Beuve : Causeries du Lundi, t. VII. — Sénac de Meilhan : Caractères et Portraits. — Correspondance du chevalier de l’Isle avec le prince de Ligne, le comte de Riocour, paisim. — Mémoires de Besenval. — Mémoires du duc de Choiseul, publiés par Soulavie en 1790. — Dutens : Mémoires d’un voyageur qui se repose. — Correspondance de Grimm, 10 vol., édition Tournent. — Mémoires du maréchal duc de Richelieu. — Mémoires secrets de la République des lettres. — Mémoires de Bouille, de Bertrand de Moleville. etc.