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parfaitement correcte. Vincent a laissé le souvenir d’un homme d’une grande politesse, il était resté de l’ancien temps. Comme professeur, il estimait que l’objet des études est d’acquérir toutes les qualités en évitant tous les défauts. Esprit modéré et clairvoyant, il n’avait aucune prétention d’entreprendre sur les jeunes esprits. Cherchant à les éclairer et non à les dominer, il était un maître désirable : M. Alaux n’en pouvait rencontrer de plus digne.

Mais il n’était pas le seul à tenir école en face de David. La résistance avait encore un foyer très actif dans l’atelier de Regnault, l’auteur de l’Éducation d’Achille. Personne, je crois, ne conteste la valeur d’un artiste aussi habile. De brillans élèves s’étaient formés sous sa direction : Pierre Guérin, Hersent, étaient du nombre. Regnault, dans sa jeunesse, avait été marin. Son talent et son caractère s’étaient formés librement. Il avait remédié de son mieux à une éducation qui avait été négligée. Il en avait gardé une manière de parler de la forme et de la couleur qui n’était qu’à lui. Mais avec des expressions un peu singulières, il professait nettement, eu bon anatomiste et en bon peintre. Il passait pour représenter plus que tout autre les traditions de l’ancienne académie.

Quelle différence avec Girodet, qui s’était mis aussi à professer ! Dès son retour d’Italie, l’auteur d’Endymion s’était vu entouré de gens du monde, d’amateurs distingués par leur nom ou par leur fortune. De véritables élèves vinrent bientôt lui demander des leçons. Elles étaient, paraît-il, brèves et données dans un langage élégant, mais qui visait à l’effet. Il n’avait d’abord vu que par les anciens. Puis il était revenu à la nature, s’était passionné pour l’expression et surtout pour l’esprit. Il en était arrivé à faire cas, avant tout, de l’originalité. Chose extraordinaire pour le temps, il la voulait en principe, et il répétait qu’ayant à choisir entre deux défauts, il préférerait la bizarrerie à la platitude. À ce compte il devançait le romantisme. Mais, en dépit de ses discours, par l’exemple il prêchait le culte de l’antique. Nul aussi bien que lui ne connaissait la forme idéale et n’en savait la théorie. Il a écrit sur les arts en prose et en vers. Son poème, le Peintre, et une suite de morceaux intitulés les Veillées devraient avoir le mérite de nous faire connaître sa doctrine. Mais par malheur l’essentiel en a disparu. Coupin de la Couperie, en les publiant, ne voulut y voir que des œuvres littéraires, et il en retrancha tout ce qui lui parut n’être pas de la littérature. À ce point de vue, il aurait pu supprimer davantage. En 1807, Girodet venait de terminer son tableau d’Ossian, qui ne pouvait exercer une grande influence sur les études, et il entrait dans une vie de travail excessif et un peu mystérieux qui le rendait difficilement accessible. En résumé, son