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Elle coïncide donc avec la détention du peintre de Maral incarcéré à la suite des événemens de thermidor. Au premier moment aussi, on pourrait s’étonner de la manière dont la classe de peinture de l’Institut fut bientôt après composée. En effet, bien que David y figure au premier rang, il n’y est guère entouré que de contradicteurs tels que Vincent et Regnault. À ce moment encore il était sans crédit : on était au lendemain du décret d’amnistie qui lui avait rendu la liberté. A la vérité, il fut un des deux peintres nommés tout d’abord par le Directoire et chargés d’élire leurs confrères de concert avec les quarante-six membres des autres sections. Mais beaucoup de ceux-ci avaient appartenu aux anciennes académies et étaient peu favorables à David. Ainsi tout contribuait à mettre ses adversaires en mesure de le combattre.

Ces détails ne sont pas inutiles à connaître. Ils expliquent cette sorte d’amertume dans laquelle il vécut toujours et ses sentimens d’hostilité contre l’Ecole qu’il continuait à nommer l’Académie. Qu’on se rappelle les vives attaques auxquelles il se livrait contre elle ! Nous le savons par Delécluze : sur ce point, il était intarissable. Il faut dire aussi que sa rancune était excitée par le voisinage. Les salles où professaient ses confrères étaient au Louvre aussi bien que l’atelier de ses élèves. L’École y demeura jusqu’en 1807, et cette même année, lorsque M. Alaux arrivait à Paris, elle fut transportée à l’ancien collège des Quatre-Nations, qui prit alors le nom de palais des Beaux-Arts. David, on le comprend bien, empêchait ses élèves de la fréquenter ; aucun d’eux ne figure sur les listes d’admission qui existent encore. Il ne cessa jamais de la poursuivre. Cependant, en 1810, il chercha à s’en saisir : se prévalant de sa qualité de premier peintre de l’empereur, il en revendiqua, la direction. Mais encore une fois ses adversaires furent les plus forts, et l’autorité qu’il réclamait sur elle, il ne put l’obtenir.

Quand on voit les choses à distance, quand on les considère en elles-mêmes et sans s’occuper des personnes, elles prennent une grande simplicité. Quelles étaient donc les idées d’où naissaient des dissentimens si graves ? Elles touchent de très près à mon sujet ; je ne puis me dispenser d’en dire quelque chose. Aussi bien, avec les interprétations qu’elles pouvaient recevoir, étaient-elles le fond commun sur lequel se faisait alors l’éducation des artistes ; M. Alaux en a été nourri. Elles se résumaient en cette proposition : combiner l’étude de la nature avec l’étude de l’antique. Au fond, ce n’était pas une nouveauté : on ne songeait pas à autre chose depuis la Renaissance. Diderot, dans son Salon de 1765, en avait donné le commentaire pratique, quand il avait dit que l’antique doit nous apprendre à voir la nature. En réalité, cette pensée se