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Deux peintres français, Fontaine et Constant Bourgeois, entreprirent de lui faire concurrence, et on put voir au Salon de 1801 les maquettes qui devaient être exécutées en grand au premier panorama qui fut construit sur le boulevard Montmartre ; c’était une vue de Paris. La vogue de ce nouveau spectacle fut extrême : deux autres panoramas vinrent s’ajouter au premier. En 1810, l’empereur étant venu visiter une de ces rotondes où l’on voyait l’entrevue de Tilsit, en fut frappé. Il voulut en faire un instrument politique et ordonna à l’architecte Cellérier d’en construire sept autres dans les Champs-Elysées. Après avoir montré à Paris des sujets propres à glorifier son règne, ces tableaux devaient ensuite être envoyés en province et y voyager. La réalisation de cette idée fut interrompue par les événemens.

M. Alaux aîné était mêlé à ces entreprises. Il rêvait d’ajouter au prestige de la récente, invention par des combinaisons nouvelles et méditait le néorama dont il fut le créateur, mais qui ne s’ouvrit qu’en 1827. Chargé d’engagemens, entraîné à des essais sans fin, il appelait continuellement son frère à son aide, et celui-ci, ne sachant rien lui refuser, quittait ses propres études pour le suivre. A la vérité, ce n’était pas en pure perte. Il se perfectionnait dans la connaissance de la perspective et de ses applications ; il devenait habile à manier l’architecture, les ornemens, tous les élémens de l’art décoratif. Mais il était constamment détourné du but qu’il s’était proposé, et malgré qu’il concourût chaque année, il n’obtenait pas le prix de Rome.

En 1814, il remporta le second grand prix et le premier en 1815 ; il avait près de trente ans. Ces succès n’avaient pas été obtenus sans peine. Il s’était plus d’une fois arrêté en route, et d’autres sujets de distraction plus sérieux naissaient alors des événemens dont l’Europe et la France étaient le théâtre. Le moment était grave et les deux invasions venaient aboutir à Paris. M. Alaux, reçu de la veille en loge, prit part à la bataille du 30 mars 1814. Il racontait que le matin, avant d’aller joindre le corps du maréchal Mortier qui était sur la gauche, il avait été porté avec les gardes nationaux volontaires, d’abord aux buttes Chaumont, et qu’en arrivant derrière la batterie de vingt-huit pièces qui, servie par des marins, rejetait sur Pantin la garde prussienne, ses compagnons et lui avaient marqué quelque étonnement en entendant dans l’air des sifflemens insolites. « Messieurs, leur avait dit le vieil officier qui les commandait, ce n’est rien ; ce sont des obus. » C’était affaire du premier moment : la garde nationale fit bien son devoir. La seconde occupation de Paris eut lieu sans combat. Les concurrens pour le prix de Rome poursuivirent leurs travaux ; mais des