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une autorité qui, depuis, est passée aux savans. Mais leurs études, comme leurs fouilles, n’étaient que partielles ; elles n’embrassaient pas de grands ensembles. Les ruines, cependant, gardaient leur caractère pittoresque. Plusieurs endroits de Rome, parmi ceux qui devaient offrir le plus d’intérêt aux recherches ultérieures, restaient inexplorés. L’accès même en était difficile ; c’était le cas pour une grande partie du mont Palatin. Le Forum était profondément enfoui. Il y a soixante-dix ans, il était encore à peu près tel que Claude Lorrain nous le montre dans sa vue du Campo Vaccino. De quelques points mis à découvert ou seulement sondés, on avait cru pouvoir conclure au reste. On disputait hardiment d’après quelques données éparses ; on échangeait, non sans vivacité, des raisons hypothétiques. Et la vérité était là à quelques pieds sous terre.

Mais qu’importait cette vérité à la beauté de Rome ! Son charme s’accroissait du mystère, comme du médiocre entretien de ses ruines. Il est certain que ce mélange d’ancien et de moderne, de débris de l’art et de retour à la nature était souverainement pittoresque et a constitué pendant longtemps un des attraits de la ville éternelle.

Les belles découvertes de M. Pietro Rosa sur le Palatin et dans le Forum ont métamorphosé cette région de Rome. Elles ont substitué à l’intérêt pittoresque qu’on y trouvait, un intérêt tout scientifique. La fouille telle qu’elle existe aujourd’hui n’est plus un sujet de rêverie pour le voyageur, c’est un texte historique déployé sous ses yeux. Certes, l’état présent a sa grandeur. C’est aussi un spectacle émouvant que celui qui nous est offert par ce vaste ensemble de débris, par ces substructions qui, encore plantées dans le sol, sont des témoins irrécusables de la vie politique de Rome et de sa splendeur monumentale. Mais les hommes d’il y a quarante ans peuvent opposer à cette majesté paléontologique la beauté pleine de grâce et de contrastes que la ville offrait alors et qui les captivait.

M. Alaux en aura conservé le souvenir dans une suite de lithographies qui ont paru principalement de 1824 à 1827. Elles forment un album publié en partie en collaboration avec l’architecte Le Sueur, qui avait été son camarade à la villa Médicis. On y trouve des sites qui sont restés célèbres, des panoramas bien choisis et présentés avec goût. Une vue de Rome prise du Palatin, une vue du Forum prise du Capitole, Rome dessinée des jardins Farnôsc, le temple d’Antonin et Faustine, le Capitole et l’Ara cœli, les perspectives du Colisée et du temple de Mars vengeur sont de beaux motifs, dont quelques-uns ont changé d’aspect, mais que les artistes et les historiens mettront un jour à profit. Ce ne sont que des lithographies exécutées avec une extrême simplicité. L’art de la lithographie