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déclaré régent du royaume, entouré des barons, des principaux prélats et des légistes de la couronne, occupe le milieu de l’église à la croisée des nefs ; la foule des assistans remplit l’espace qui n’est pas défendu par des barrières et accueille par des acclamations la décision qu’on lui fait connaître. De ce côté, la scène est pleine de mouvement. Les types sont vrais, ou du moins conformes à l’idée que nous pouvons nous faire de nos aïeux. Les têtes et les mains sont bien traitées, les costumes sont fidèles. Au moment où ce tableau fut exécuté, l’opinion n’était pas encore formée sur l’application de la peinture à la décoration des édifices au moyen âge. Les murailles ont donc la couleur de la pierre. On n’a pas, non plus, pensé aux vitraux. Mais ces inexactitudes n’ont pas nui au tableau et ont permis de placer le centre de la composition dans une vive lumière. L’effet est bien entendu et bien rendu. Toute différente est l’Assemblée des notables de 1596. La scène, ici, est moins conjecturale, parce qu’elle est décrite dans le Cérémonial français. Le peintre a suivi scrupuleusement cet ouvrage. La séance a lieu dans une salle carrée de l’abbaye de Saint-Ouen. Il y a des fenêtres à droite et à gauche : ces dernières seules éclairent la pièce ; les autres ont leurs rideaux fermés. Le jour se porte donc sur un côté de l’assistance. Le fond est dans la demi-teinte ; les parties qui sont sous les fenêtres et sur le premier plan sont dans une ombre transparente. Tout cela est parfait. L’effet est calme, l’harmonie sourde et un peu violacée. L’impression est juste ; c’est celle d’une réunion d’hommes qui délibèrent avec gravité.

Le tableau des États généraux de 1614 a aussi sa physionomie à part. Il a beaucoup plus de mouvement que le précédent. La scène se passe dans la grande salle du Petit-Bourbon que le Cérémonial français a décrite avec soin. C’était un vaisseau long, garni de chaque côté d’arcades et d’un double rang de balcons. Le jour arrivait de toutes parts dans cet intérieur de pierre : les dispositions permettaient qu’il y eût foule, et, pour la circonstance, on avait construit des estrades qui permettaient que les assistans fussent plus nombreux. L’artiste a respecté toutes ces conditions, et il en a tiré profit. Son tableau a le double caractère d’une assemblée et d’une fête : c’est une séance solennelle et brillante, c’est un milieu animé et riche. Le caractère du temps est parfaitement observé.

Ces trois ouvrages sont remarquables par la mise en œuvre. Dans tous trois, le point de vue, placé haut, permet d’embrasser la scène entière. Chaque personnage, chaque ordre et chaque classe de personnes occupe bien la place qui lui est attribuée par les documens les plus dignes de foi. Évidemment, les compositions ont été faites sur plan : l’aspect en est toujours très net et la