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l’empire, une notoriété dont il portait la peine. La galerie d’Henri II était peut-être la partie du château qui avait le plus souffert. Les dalles de pierre qui servaient de couverture à la voûte laissaient passer l’eau ; les murs étaient salpêtres et il n’y avait plus de vitres. Les enduits, détachés de la muraille, étaient tombés par places, et leurs crevasses servaient d’asile à des essaims de chauves-souris. Une bonne administration ne pouvait laisser les choses en cet état : la restitution de la galerie fut, un jour, entreprise. Les peintures du Primatice, qui la décorent, réclamaient des soins immédiats. Peut-être ne comprenait-on pas bien encore tout leur mérite. M. Alaux, chargé de les remettre en état, nous les a vraiment fait connaître, grâce à son intelligence historique et à la souplesse de son talent. Il les a sauvées de la ruine et il nous a permis de les juger et d’en jouir. Restaurer ! C’est un mot dont notre siècle a, le premier je crois, bien compris la portée. Je ne veux pas dire qu’il ait toujours réussi à réaliser tout ce que ce mot implique. Tant il est difficile, avec la sincérité la plus parfaite, de voir les choses telles qu’elles sont, et délicat, même en étant très habile, de s’y raccorder ! Mais, du moins, la théorie est établie. On sait que c’est une œuvre de science et d’abnégation. Réparer ce que l’injure du temps a détruit, et cela avec une observation si exacte, une si parfaite pénétration de l’esprit de l’œuvre compromise que, ce travail achevé, on ne puisse distinguer, dans l’ensemble, les retouches et les reprises des restes originaux et authentiques, tel est le travail de celui qui entreprend de rétablir les choses anciennes dans leur vérité.

Déjà la galerie avait été restaurée sous Henri IV et sous Louis XV. Cette fois, la tâche consistait non-seulement à remplir les vides, mais encore à faire disparaître les retouches : c’est d’une véritable réfection qu’il s’agissait. Jamais la peinture du Primatice n’avait couru un aussi grand danger. Il était à craindre qu’un élève de l’école de l’empire, à tout prendre, ne vît rien, dans la libre élégance du maître et dans ses formes un peu abandonnées, rien autre chose que des fautes de dessin. D’ailleurs, que devait-il penser du style même de l’œuvre ? Les sujets en sont empruntés à la fable, mais rien n’est plus éloigné de l’antique que cette manière de traiter la mythologie.

Ce fut avec un tact exquis et le plus infatigable scrupule, avec une habileté pratique consommée, que M. Alaux s’acquitta de sa tâche, j’allais dire de son devoir. Entouré de gravures, ayant à sa disposition des dessins originaux qui, bien que ne se rapportant pas directement à la galerie, faisaient revivre à ses yeux l’esprit de l’auteur ; soutenu par sa conscience et par la faculté qu’il avait d’admirer les choses en leur lieu, aidé par son exécution aisée, il remit