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la galerie dans toute sa fraîcheur. Il se fit aider dans son travail par quelques artistes d’espérance qui furent pour lui des disciples et des témoins. Un d’eux, Isidore Pils, puisa dans cette collaboration le goût décoratif dont il a donné les preuves en maintes places, et particulièrement à l’Opéra. A voir l’ensemble de l’œuvre et son harmonie, on ne penserait pas que plusieurs figures, et même des morceaux importuns, sont complètement modernes. Toute la partie supérieure du Festin des dieux, par exemple, a été refaite de toutes pièces. Mais, en somme, rien n’est resté d’un caractère incertain : tout appartient au Primatice. La restauration est parfaite ; on peut la considérer comme un exemple.

Je veux encore appeler l’attention sur un ouvrage de M. Alaux qui est peu connu en France, et qui, certainement, mérite de n’être pas oublié. C’est un tableau qui représente le roi Louis-Philippe recevant la députation de la cité de Londres, lors de la visite qu’il rendit à la reine d’Angleterre. On y voit une suite de portraits dont les études à l’aquarelle sont restées longtemps en la possession du peintre : visages et physionomies du caractère le plus frappant, rendus avec une délicatesso et un esprit rares, et qui montraient le talent de l’auteur sous un jour nouveau. M. Alaux eût été un très bon portraitiste. En effet, chaque personnage a son type et ce type est celui de sa race. Je me souviens du lord-maire, qui était alors M. Magnay, de plusieurs des aldermen, forts, hauts en couleur, et par contre de notre ambassadeur, M. de Sainte-Aulaire et du baron Fain. C’était une galerie vivante. Il me semble la voir, et je ne crois pas me tromper en disant qu’elle offrait le plus vif intérêt. Nul doute que le tableau auquel elle a servi de préparation ne soit lui-même remarquable et n’ait aussi le mérite d’une extrême fidélité.

Telles sont les principales productions de M. Alaux : elles ont surtout une valeur historique. Elles montrent bien quel profit l’art peut tirer de son alliance avec l’histoire. D’une part, la connaissance du passé, intervenant dans la création d’œuvres rétrospectives, donne à celles-ci l’autorité des choses anciennes et une vraisemblance qui se rapproche de la vérité. D’un autre côté, cette même connaissance, appliquée à des restaurations, aide à conserver aux ouvrages de nos devanciers leur véritable caractère. Enfin la conscience historique fait que la représentation de sujets contemporains est une source d’informations à laquelle nous recourons déjà nous-mêmes. Cependant, en remplissant ces diverses tâches, M. Alaux a gardé une juste mesure : il est resté artiste tout en se montrant historien. Ses œuvres, bien renseignées, ne sont point pédantes. Le document ne s’y montre pas comme le ferait dans un écrit quelque citation importune ; il est subordonné à l’ensemble,