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l’école de Rome ne fut lu que dans la séance du 19 mai. Évidemment, il émut l’Académie. Une longue discussion s’engagea, nous dit sommairement le procès-verbal, et, selon toute probabilité, les avis se neutralisant, on convint de porter le mémoire au ministre. Huit jours après, le secrétaire perpétuel rendit compte de la réception que le ministre avait faite au bureau de l’Académie. Le ministre s’était montré disposé à protéger l’école de Rome dans ses propriétés et dans ses personnes, ce qui était conforme au vœu de tous. Néanmoins, il fut convenu que l’on écrirait à M. Alaux en exprimant d’une manière générale l’intérêt que la compagnie prenait à sa situation. Encore huit jours, et, dans la séance du 2 juin, sur la lecture d’une lettre du ministre approuvant décidément la conduite du directeur, l’Académie charge son secrétaire d’informer M. Alaux de la teneur de cette lettre. Dans les circonstances où nous nous trouvions, les huit jours qui séparaient les séances étaient bien longs. Ces lenteurs (pouvaient-elles être abrégées ? ) attristaient notre directeur et nous attristaient nous-mêmes. Sans doute, l’Académie agissait prudemment et si nous eussions encouru un blâme, elle se réservait d’agir d’autant plus efficacement en notre faveur qu’elle n’avait pas pris parti. Néanmoins, M. Alaux écrivit pour exprimer ses regrets ; regrets de cœur, à tout prendre, car depuis longtemps il savait, par le comte Walewski, que le gouvernement ne le désavouait pas. Ce fut seulement après un mois et demi que l’Académie des Beaux-Arts lui fit savoir qu’elle n’avait jamais différé de sentiment avec lui. La lettre était du 4 6 juin. Quand elle arriva, nous allions retourner à Rome.

Il y a une manière simple de faire son devoir, qui empêche que l’on ne songe à y trouver du mérite. C’était la manière de M. Alaux. La fin de son directorat s’écoula dans le calme. De nouvelles générations de pensionnaires succédèrent à celles qui s’étaient pressées autour de lui dans des jours difficiles. Peu à peu, ces jours-là finirent, je crois, par être oubliés. Pour nous, nous n’en parlions guère, comme il convient à des gens qui, ayant la même pensée, n’ont rien à s’apprendre. Au dehors, nous ne cherchions pas à organiser une légende. Mais au cours des événemens nous nous étions très attachés à notre directeur. Tous les ans, le retour de sa fête mettait l’académie en joie. On faisait des vers, on chantait de la musique composée pour la circonstance. La plus animée de ces réjouissances eut lieu à l’occasion de son élection à l’Institut en 1851. Il vint s’asseoir à notre table et passer la soirée dans notre salon. Jamais réunion ne fut plus affectueuse, jamais maison ne fut plus unie.