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la restauration, — tout au moins partielle, — de l’ancien régime avait plus qu’à moitié détruit l’œuvre des réformateurs, il raillait légèrement leurs illusions égalitaires. « Les phrases retentissantes sur l’égalité, écrit-il, ont, sans doute, fait bien du mal ; mais on a dû reconnaître, à l’user, qu’elles ne suffisaient point à changer la nature des choses. »

« Le roi, dit-il, pouvait bien conférer des titres de noblesse ; il ne dépendait pas de lui de faire des âmes véritablement nobles, de répandre cet esprit de dévoûment, de sacrifice qui vouait, de tout temps, en Prusse, l’aristocratie au service militaire. Dans le fils du banquier, du marchand, de l’idéologue, du citoyen du monde (et l’association qui surgit sous la plume de Marwitz est assez caractéristique), vous retrouverez quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, le spéculateur ou le garçon de boutique. Le fils d’un noble, même stupide, reculera toujours devant un acte vulgaire, » et, s’élevant jusqu’au lyrisme, Marwitz cite les vers du poète latin :

Fortes creantur fortibus, et bonis
Est in juvencis et in equis patrum
Virtus, nec imbellem feroces
Progenerant aquilœ columbam.

Il résume toute sa doctrine politique dans une page qu’il emprunte à Montlosier et dont il rappelle la conclusion : « C’est ainsi qu’a brillé l’institution de l’ancienne chevalerie. Les savans, les prêtres, les jurisconsultes, les rois (surtout l’industrie et l’invention de la poudre, ajoute Marwitz entre parenthèses), sont parvenus à faire disparaître ce beau monument. » Et il termine par un parallèle enthousiaste entre l’ancienne chevalerie et le corps d’officiers de Frédéric II.

Ces théories ne pouvaient guère se retrouver, après Iéna, que sous la plume d’un hobereau, et York lui-même se chargeait de répondre à Marwitz, dans ses plaintes sur la dégénérescence de la noblesse prussienne, sur cet esprit de spéculation qui s’était emparé d’elle, qui, particulièrement pour la petite noblesse des Marches, avait brisé ses attaches à la terre et l’avait rendue mobile comme le sable. « Depuis que la noblesse des Marches, écrivait York, a mis de côté l’épée et l’éperon pour peser l’or dans ses balances, elle s’est perdue elle-même ; il est trop tard pour la sauver. »

Cette opposition violente de l’esprit de caste, qui s’alliait à un patriotisme un peu étroit, mais très ardent, avait d’ailleurs plus de ténacité et de vivacité que d’étendue. Les réformateurs avaient,