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la responsabilité de la défaite, relevait la tête. Stein était fort inquiet. La réforme militaire lui paraissait compromise par ces résistances et par « l’esprit de la cabale. » Les idées de la commission ne parvenaient au roi que par son adjudant général Lottum, un bureaucrate endurci de la vieille école, auquel Frédéric-Guillaume demandait des rapports sur les projets de Stein et de Scharnhorst.

Toutefois le contraste était trop violent pour que cette collaboration pût se poursuivre longtemps. La nécessité évidente de la réforme, la faiblesse intellectuelle de ses adversaires, vinrent en aide à Scharnhorst et à ses auxiliaires. Des scènes fort vives ayant éclaté au sein de la commission entre Scharnhorst et Borstell et tous deux ayant offert de se retirer, ce fut le départ de Borstell que le roi décida. Mais il témoigna en même temps à la commission son mécontentement, et lui notifia le rejet de ses premières propositions. Le découragement s’était emparé des réformateurs, et Gneisenau demanda à son tour l’autorisation de se retirer ; le roi la lui refusa le 18 janvier. Ce fut au contraire Bronikowsky qui, lassé d’une collaboration où sa médiocrité se trouvait quelque peu dépaysée, quitta la commission. Le roi consentit alors à un double changement de personnes qui assura la majorité aux idées de réforme. Götzen, celui-là même qui avait organisé et dirigé avec tant d’initiative et d’activité la résistance de la Silésie, remplaça Borstell, et Boyen succéda à Bronikowsky.

Il s’en fallait que la lutte fût terminée. Les résolutions du roi n’étaient jamais définitives. Kalkreuth, York, Zastrow, Köckeritz, formaient autour de lui une coterie active et tenace, d’autant plus tenace qu’elle représentait les traditions, les intérêts menacés, et tout ce parti de l’ancienne armée atteint directement par les projets de Scharnhorst et de Gneisenau, — d’autant plus ardente que la faiblesse et la médiocrité de Frédéric-Guillaume III lui offraient un terrain d’action plus propice. On voyait reparaître ici, comme sur le terrain des réformes politiques pures, ces intermédiaires qui avaient joué un rôle si important dans les dernières crises. Lottum avait pris auprès du roi, après le départ de Büchel et de Kleist, le poste d’homme de confiance pour les affaires militaires, et, membre de la commission de réorganisation, il mettait au service de la cabale réactionnaire toute l’influence que lui donnait sa position d’intermédiaire obligé.

Telle était la situation dominante de Stein, et l’autorité de sa forte volonté, que ce fut seulement à son retour de Berlin qu’il débrouilla le chaos où se perdait la direction des affaires militaires. En février 1808, Scharnhorst se désespérait, écrivait qu’il n’avait