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commission d’enquête n’en poursuivit pas moins son œuvre avec décision. On vit des officiers suspects et d’un rang élevé, mis aux arrêts, en attendant leur jugement, et placés, par un singulier renversement des rôles, sous la garde des bourgeois que, quelques mois auparavant, ils accablaient de leur mépris. Plus d’une condamnation à mort fut prononcée. Le roi toutefois n’en maintint qu’une, qui ne fut pas exécutée ; mais lorsque la commission d’enquête eut terminé sa tâche, qui se poursuivit durant des années, le personnel se trouva presque entièrement renouvelé. Des cent quarante-trois généraux que comptait l’armée prussienne en 1806, il n’en restait, en 1812, que huit en activité, et deux seulement exercèrent un commandement durant la guerre d’indépendance. Si l’on songe à l’esprit de corps, si l’on se représente ces familles de l’ancienne noblesse militaire, reliées par mille liens, comptant parfois en même temps dans l’armée jusqu’à dix ou douze de leurs membres, il faut reconnaître que la commission d’enquête avait accompli une œuvre difficile.

Mais ce travail d’épuration, s’il parait au plus pressé, ne satisfaisait point à lui seul les tendances des réformateurs, qui demandaient plus qu’un changement de personnel. C’étaient les bases mêmes de l’ancienne organisation et du recrutement du corps d’officiers qu’ils voulaient modifier.

Hardenberg et Altenstein, très étrangers au sentiment militaire, tout imprégnés, comme on l’a pu voir par le Mémoire de Riga, des exemples de la révolution française, ne proposaient rien moins, dans leur plan de réorganisation générale de l’État prussien, que de faire élire les sous-officiers par les soldats et les officiers subalternes par les sous-officiers.

Tout novateurs que fussent Scharnhorst et Gneisenau, ils n’allaient pas si loin. Dans les projets qu’ils préparèrent, dès le mois de septembre 1807, ils supprimaient la charge de Junker, c’est-à-dire cette sorte de stage que l’on faisait accomplir, à partir de l’âge de treize ou quatorze ans, par les jeunes nobles destinés à l’état d’officiers. Ils commençaient la hiérarchie des officiers à la charge de Portepee-Fähnrich, nom que l’on avait donné jusqu’alors au Junker à partir du moment où il était autorisé à porter les insignes d’officier. Ils ouvraient l’accès de cette charge aussi bien aux roturiers qu’aux nobles, même aux anciens sous-officiers ; ils l’ouvraient par un examen dont le programme était modeste, mais qui plaçait la constatation du mérite comme première condition à l’entrée de la hiérarchie militaire.

Pour les promotions ultérieures, Scharnhorst et Gneisenau, qui subissaient, bien qu’à un degré moindre, l’influence des mêmes