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L’indignation de Pascal est sincère et juste, mais il importe de ne pas faire de confusion. Escobar s’est indigné comme Pascal ; le crime est horrible. Est-ce une raison pour que la paroisse soit privée de la messe ? La mesure est difficile à garder. Wiclef, en assurant qu’on n’est plus ni roi, ni seigneur, ni magistrat, ni prêtre, ni pasteur, dès qu’on est en péché mortel, a également renversé, suivant Bossuet, suivant Pascal aussi probablement, l’ordre du monde et celui de l’Église, et rempli l’un et l’autre de sédition et de trouble.

Le père Parennin, missionnaire en Chine, a pris sur lui, par prudence humaine, d’adoucir, pour ne pas les rendre impraticables à ses catéchumènes, quelques-unes des prescriptions de la loi chrétienne.

Les Chinois ont un certain maître fort savant en philosophie morale, qui est mort il y a longtemps, nommé Confucius, lequel, pour sa doctrine, ses règles et enseignemens, est en une si haute estime dans le royaume, que tous, soit rois ou autres de quelque qualité, condition et rang qu’ils soient, se le proposent comme un exemple à imiter et à suivre, l’honorent et le louent comme saint, et il y a dans toutes les villes et bourgs des temples érigés en l’honneur de ce maître dans lesquels les gouverneurs sont tenus, deux lois l’année, d’offrir un sacrifice solennel, faisant eux-mêmes fonctions de prêtre, et durant le cours de l’année, deux fois le mois, sans solennité, et quelques savans se trouvent là pour assister les gouverneurs en l’administration des choses qu’il faut qu’ils offrent en tel sacrifice, qui sont un pourceau entier mort, une chèvre entière, des chandelles, du vin, des fleurs, des parfums.

Quelques gouverneurs convertis et quelques lettrés désignés pour assister au sacrifice ne peuvent s’y refuser sans grand dommage pour leur famille et pour eux-mêmes. Parennin, pour ne pas mériter le reproche que Jésus-Christ faisait aux pharisiens et ne pas imposer aux fidèles Chinois des fardeaux dont la charge les empêcherait d’aspirer au ciel, crut prudent de leur conseiller cette subtile invention de cacher sous leurs habits une image de Jésus-Christ à laquelle il leur enseignait de rapporter mentalement les adorations rendues à Confucius. N’est-ce pas là autoriser l’idolâtrie ? Pascal n’en fait nul doute, et, parmi les égaremens qu’il dénonce, aucun ne lui semble plus odieux. Parennin, de retour en Europe, a des scrupules ; il consulte Escobar. Le père lui présente la Bible ouverte au livre des Rois : « Naaman dit à Elisée : Il faut faire ce que vous voulez ; mais je vous conjure de me permettre d’emporter la charge de deux mulets de la terre de ce pays ; car votre serviteur n’offrira plus à l’avenir des holocaustes ou des victimes aux dieux étrangers, mais il ne sacrifiera qu’au Seigneur. Il n’y a qu’une chose pour laquelle je vous supplie de prier le Sei-