Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/554

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pendant une année entière, prêcha en Judée et se révéla solennellement à la métropole par l’expulsion des vendeurs du Temple. Les synoptiques ne parlent expressément que du dernier voyage de Jésus à Jérusalem pour la Pâque où il devait mourir ; saint Jean mentionne tous ses divers voyages à la ville sainte, sa retraite en Pérée, au-delà du Jourdain et à Ephrem, sur les confins du désert. Les synoptiques ne commencent le récit de la vie publique qu’à l’époque de l’emprisonnement de Jean-Baptiste ; le quatrième Évangile la fait commencer avec le baptême de Jésus et détermine sa durée totale par les trois Pâques qu’il mentionne[1]. Les synoptiques ne nous donnent aucun point de repère pour le classement chronologique des faits de la vie publique ; saint Jean les signale avec une précision extrême par les divers voyages de Jésus à Jérusalem[2], aux grandes fêtes juives. Les synoptiques, n’ayant pas raconté les divers séjours du Maître à la métropole, n’ont pu nous instruire de ce qu’il y a fait, ni des enseignemens solennels qu’il y a donnés ; mais saint Jean nous les rapporte avec une grande richesse de détails.

Tous ces renseignemens précieux, on le voit, ne contredisent en rien les synoptiques, ils comblent leurs lacunes, et ils ont de plus le mérite d’expliquer leur récit. Impossible sans eux de reconstituer le drame émouvant de la vie de Jésus, de comprendre son mode particulier d’enseigner et d’instruire. Les grandes luttes, les enseignemens les plus sublimes, ont dû avoir la métropole juive et les autorités nationales pour témoins. C’est là que devait se terminer la carrière du Messie, là qu’il devait se produire avec un éclat souverain. La Galilée, pour Jésus, n’a été qu’un lieu relativement tranquille où, loin du foyer de haine qui, depuis le premier jour, le menaçait, il a pu évangéliser le Royaume de Dieu aux pécheurs et aux humbles, former ses disciples et asseoir les bases de son œuvre dans les consciences fidèles destinées à la répandre. Mais s’il s’est retiré en Galilée, comme le disent les synoptiques[3], Jean seul nous donne le motif historique de cette retraite[4].

D’après les trois premiers Évangiles, on remarquera que Jésus, comme Thaumaturge, Maître et Docteur, agit et par le avec une autorité personnelle absolue. Quand il guérit les malades, commande

  1. Jean, II, 13 ; VI, 4 ; XII, 1, XIII.
  2. Jean, V, 1 ; VII, 2 ; X, 22. Les synoptiques contiennent cependant des allusions certaines aux divers voyages de Jésus à Jérusalem; mais nous ne sommes renseignés sur ces voyages que par le quatrième Évangile. (Matth., XXIII, 37 ; Luc, IX, 51 ; XIII, 22.)
  3. Matth., IV. 12 ; Marc, I, 14 ; Luc. IV, 14.
  4. Jean, IV, 3.