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aux esprits mauvais, ressuscite les morts, on ne le voit point se réclamer d’un principe supérieur auquel il emprunte une force; il parle, il impose les mains, il ordonne, et les malades sont guéris, les démons se retirent, les morts revivent. Lorsqu’il enseigne, même allure : il remet les péchés, comme Dieu, il promulgue la loi morale en son nom propre, comme Dieu ; ce n’est point au nom de Dieu qu’il l’impose, c’est en son nom. Il veut que ses disciples reconnaissent en lui le vrai Fils du Dieu vivant; et il les loue d’être arrivés enfin à cette foi suprême et totale.

Qu’est-ce qu’un tel être? Quelle est sa nature? Quelle est sa relation réelle avec celui qu’il nomme son Père? Quelle est dans les consciences son œuvre propre ? Qu’est-ce que le personnage messianique annoncé par les Prophètes et réalisé en lui ? Quel est le secret du Royaume fondé par lui ?

Les trois premiers Évangiles ne rapportent que la parole de Jésus où toutes ces choses ont été dites en paraboles et en signes. Il était réservé au quatrième Évangile de nous donner la pleine clarté, en nous rapportant les discours les plus solennels et les plus intimes où Jésus a exprimé, dans une langue que n aile créature ne peut parler, ces mystères inénarrables.

Jésus n’est pas un fils de Dieu, il est le Fils; c’est le nom qu’il se donne toujours. Il est un avec le Père[1], de même essence; avant qu’Abraham fût, avant que le monde fût[2], il était, et il était dans le Père[3]. Il a tout reçu du Père : puissance, lumière et vie. Il juge, il éclaire, il vivifie. Il communique son Esprit, et avec son esprit la vie éternelle. Il est la plus expressive, la seule et parfaite manifestation du Père. Qui le voit, voit le Père ; qui l’aime, aime le Père. Il est dans le Père comme le Père est en lui[4].

Ces révélations transcendantes à toute conscience et à toute intelligence créées ne peuvent être acceptées que par celui qui donne sa foi à la parole de Jésus. Elles nous transportent dans une sphère divine, inaccessible au génie lui-même, mais ouverte à l’âme simple et au cœur droit.

Non-seulement de tels discours ne contredisent point les enseignemens moraux de Jésus et ses paraboles, mais ils leur apportent la seule explication qui les éclaire.

Si Jésus a parlé comme saint Jean le fait parler, je comprends le Thaumaturge, le Docteur des synoptiques, la souveraineté absolue avec laquelle il agit, et l’autorité propre avec laquelle il formule

  1. Jean, X, 30.
  2. Jean, VIII, 58.
  3. Jean, XVII, 5.
  4. Jean, XIV. 10.