Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/650

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marbre blanc, d’origine carthaginoise ou romaine, supportant un étage que borde une légère véranda aux barreaux élégans et de couleur obscure. Au centre du patio ou de la cour mauresque, des arbustes en fleurs ; sur les côtés, de modestes chambres blanchies à la chaux, et que meublent, sans ordre ni symétrie, des malles incrustées de clous cuivrés, des nattes, et l’indispensable tapis de prière aux arabesques éclatantes. Pas de fenêtres sur la rue, parfois, pourtant, de minces trouées dans la muraille ; ce ne sont pas des meurtrières, mais des lentes par lesquelles la rafraîchissante brise de mer glisse l’été dans les maisons, et rend leur intérieur supportable, en dépit de la chaleur torride qui règne au dehors. Mais quelle différence entre ces maisons trop bien fermées et nos maisons de verre, où, sur la présentation d’une personne qui souvent elle-même a été présentée par un tiers, pénètre aussi bien un inconnu qu’un étranger débarqué d’hier? Si j’ai pu visiter l’une d’elles, y boire un café délicieux servi par des femmes non voilées, c’est, ainsi que je l’ai dit, grâce à M. de Landelle, qui par le l’arabe comme un muphti, à l’absence du maître du logis, et à la complicité d’un grand diable de nègre, polyglotte comme tous les moricauds de sa race; sinon à prix d’or, du moins à prix d’argent, il a su vaincre chez quelques femmes arabes des résistances le plus souvent insurmontables quand il s’agit d’un Européen.

Ce n’est pas dans un avenir prochain que l’ostracisme dont nous sommes ainsi frappés disparaîtra, si toutefois il disparaît jamais. L’Arabe musulman est profondément religieux, et, en dépit de nos rapports avec lui, ces rapports fussent-ils journaliers et empreints de cordialité, nous ne réussirons pas à détruire le levain du mépris que soulève en son cœur l’irréligion dont il nous croit tous grangrenés. L’Européen a fait trop souvent et sottement parade à ses yeux d’athéisme. Nous ne devrions jamais oublier que les musulmans sont des hommes d’une foi robuste. S’ils ont toujours respecté leur gouvernement, même quand ce gouvernement les a spoliés et maltraités, c’est parce que ce gouvernement était essentiellement théocratique. Il l’a été surtout à son origine, car les premiers sultans ou les premiers souverains n’ont jamais été, ainsi qu’en France, des a soldats heureux, » mais des prêtres qui avaient pris le titre de vicaires du Prophète. L’obéissance vouée au premier des califes s’est maintenue jusqu’aux califes du XIXe siècle. Que dit le Coran? « Soyez soumis à Dieu, au Prophète, et à celui d’entre vous qui exerce l’autorité suprême (IV, 62).» Avec de tels principes, le musulman n’obéira jamais qu’à contre-cœur à l’homme qu’il croit peu respectueux de Dieu ou d’Allah. Il ne nous a cédé et obéi que parce qu’il a été dominé