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maisons arabes, aux regards des indiscrets et des amoureux. M. Ludovic de Campan, reçu par le petit-fils du khasnadar, autrefois vizir des beys, a pu nous en donner une intéressante description. « l’antichambre où se tiennent debout les domestiques, écrit-il, donne accès dans une cour où prennent jour les salons et les chambres. La cour est carrée, elle est pavée en marbre. Les murailles sont recouvertes jusqu’à la corniche de carreaux vernissés, ornés de dessins anciens. Sur les côtés, de belles colonnes en marbre blanc supportent des arcades mauresques, gracieuses et légères. A une extrémité, une fontaine encadrée de pierres en mosaïque. A droite, l’appartement des femmes ; en face, le logement du chef de famille, composé d’une grande salle allongée, étroite, dont les murs sont chargés d’arabesques fines et dentelées, et dont le plafond est formé par des solives apparentes peintes à l’arabe. L’ameublement est simple : quelques divans, des tapis anciens, de petites glaces qui ornent le tour de la pièce, plusieurs pendules à sujets différens, mais toujours arrêtées. Les pièces sont fraîches, grâce au mode de construction, au petit nombre d’ouvertures, à l’épaisseur des murailles, et, malgré les chaleurs de l’été, malgré le siroco, la température est toujours agréable[1]. »

M. de Campan ne parle pas du harem de ce grand seigneur; il en a un pourtant; S. A. le bey Ali, quoique né en 1817, a le sien au Bardo. C’est à la fois un luxe princier et une sinécure pour tout le personnel. Il en existe beaucoup d’autres, mais d’un genre plus européen. Pour qu’un étranger puisse y pénétrer, car ils sont publics pour les indigènes seulement, il faut l’intervention de la police. J’avoue que je n’ai pas songé à la réclamer. Les hommes, m’a-t-on dit, y fument du hachich jusqu’à en perdre la raison; les femmes, très jeunes et jolies, y chantent, y dansent, avec le même abandon qu’elles montraient à Paris lors de l’exposition. Beaucoup de Françaises apprendront avec surprise et confusion, que les musulmans qui se respectent n’entrent jamais dans ces harems publics, qu’ils appellent des « mauvais lieux. » On n’y voit, d’ailleurs, que ces torses couverts d’une gaze légère devant lesquels chacun s’est empressé d’aller s’asseoir au Champ de Mars, et qu’agitait une monotone et fatigante danse de Saint-Guy.


V. — TYPES DE LA POPULATION. LES JUIFS DE LA RÉGENCE.

Je ne sais si les Italiens fixés dans la régence de Tunis, — une vingtaine de mille, — ont pris leur parti de voir avec résignation

  1. La Tunisie française.