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les Français, nous dansons comme cela depuis quatorze ans !

« Nos cinq ministres battent la mesure à Bruxelles, dans l’orchestre, et notre petit pays polke à merveille.

« Ma lyre seule fait exception, ses libres cordes n’acceptent aucune contrainte ; et, bravant l’orage qui gronde sur ma tête, je chante encore comme il y a quatorze ans. »

Dans des strophes improvisées à l’occasion d’un souper d’amis où l’on avait mangé des moules, il compare les Flamands à ces malheureux mollusques. Le fourneau, c’est le gouvernement belge, et les flammes claires et cruelles qui viennent lécher le chaudron, ce sont les hommes d’état, les ministres, les courtisans.

Une des dernières chansons de Van Ryswyck, et une des meilleures, c’est le Chanteur de rue.

« Bonnes gens, veuillez m’écouter : je suis un pauvre chanteur de rue qui est né pour chanter et qui ne sait pas d’autre métier. De bonne heure je me suis vu fermer toutes les perspectives et refuser toutes les faveurs ; le sort en avait décidé : j’eus en partage le don de la chanson.

« Dès l’enfance, insouciant et joyeux, je saisis le luth, et, hardiment, j’en fis vibrer toutes les cordes ; lorsque l’orgueilleux me repoussait ou qu’une race abâtardie osait m’infliger son mépris, je faisais gronder mes accords et j’entonnais une mâle chanson.

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« J’ai dans mon humble ménage une femme et trois petits enfans, pour qui je gagne une maigre subsistance, mais je ne donne pas mon refrain pour une façade de granit ; chanter est mon lot sur terre : ce n’est pas une mine d’or, mais ma chanson, c’est ma vie. »

Ce chanteur de rue, insouciant, désintéressé, sans colère contre le sort si dur qu’il soit, se révoltant seulement contre l’injuste dédain des hommes, chantant comme l’oiseau parce qu’il est né pour cela, et sans autre éducation que celle de la nature, c’est Van Ryswyck lui-même. Jamais il n’a mieux compris son rôle et sa valeur que dans ces quelques couplets, dignes de Burns.

Van Ryswyck est essentiellement improvisateur. Ses idées ne s’élèvent guère au-dessus du niveau de la petite bourgeoisie anversoise à laquelle il appartenait, avec laquelle il vivait, pour laquelle il écrivait.

Elles lui venaient naturellement rimées et rythmées. Avec une autre éducation, dans un autre milieu, il se fût sans doute élevé plus haut, car il avait la verve, la conception pittoresque, la générosité