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et la chaleur de cœur qui font les poètes et les artistes. Les circonstances et son entourage en ont fait un artiste incomplet et un poète vulgaire.


IV.

C’est un Anversois encore que Jean Van Beers, mais il appartient à une sphère supérieure.

Né le 2!i février 1824, il était fils d’un distillateur. Ayant perdu son père de bonne heure, il fut élevé par sa mère et ses sœurs, et garda toute sa vie de cette éducation féminine un peu de faiblesse, d’indécision et de timidité dans le caractère, une vive sensibilité nerveuse, une disposition aux sentimens doux et affectueux qui se manifestent à chaque ligne dans ses œuvres.

Il fit ses études classiques en français au petit séminaire de Malines. Ce fut à la suite d’une lecture du Lion de Flandre, de Conscience, qu’il résolut de devenir Flamand par la langue comme il l’était déjà par les sentimens et les idées. Sans vocation pour l’état ecclésiastique, il devint successivement professeur dans un collège de Malines, puis bibliothécaire adjoint de la ville d’Anvers, et professeur de flamand à l’école normale de Lierre. Il se maria alors et eut plusieurs enfans dont l’aîné est le peintre bien connu à Paris.

Van Beers avait commencé à se faire connaître par quelques poésies publiées dans des recueils belges et hollandais. Son succès date surtout du volume qu’il publia en 1853 sous le titre de Jongelings droomen (Rêves d’adolescent). Ce succès fut surtout très grand en Hollande, où pendant seize ans Van Beers donna des lectures publiques, qui empruntaient un charme particulier à son talent de récitateur.

En 1866, Van Beers fut nommé professeur à l’Athénée d’Anvers. Quelques années plus tard, sa ville natale l’envoya siéger dans son conseil, où il représentait les revendications et les aspirations flamandes. Décoré et primé, très respecté dans son parti, homme de famille avant tout, cherchant et trouvant le bonheur dans la vie domestique, Van Beers a mené une existence sans événemens, une existence dont la régularité et le calme, ennobli par le culte du beau et du vrai, se reflètent dans son œuvre comme dans un miroir. Il est mort le 18 novembre 1888.

Ses premières compositions se ressentent de la faiblesse de sa

santé, de l’isolement où il vivait, inactif, rêveur, replié sur lui-même. Il chante le Clair de lune, la Rose mystique, le Jeune malade. Sa poésie est vague, sentimentale, sans corps.

Bientôt Van Beers s’éveilla au sentiment de la vie active et de la