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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 septembre.

Quand reviendra-t-on aux affaires sérieuses et même tout simplement à l’honnêteté des mœurs publiques? Quand aura-t-on tourné jusqu’à la dernière les feuilles, les tristes feuilles de cette histoire secrète dont chaque chapitre est une avilissante révélation de plus? Puisque c’est le destin des meilleures choses de passer vite et de ne pouvoir retenir longtemps l’attention, ce serait bien le moins que les mauvaises n’eussent pas plus de durée.

Depuis quelques semaines, on abuse en vérité par trop de la patience d’un public dont on a peut-être un instant piqué la curiosité et qui, tout blasé qu’il soit, finit par en avoir assez. On ne nous a rien épargné de la chronique scandaleuse d’une campagne organisée, ni plus ni moins, pour conquérir la France par l’audace vulgaire et les captations. On a vidé les tiroirs, les boîtes à secrets après avoir vidé les coffre-forts. Aux premiers récits, évidemment trop vrais, qui étaient plus que suffisans, on ajoute maintenant les commérages, les petits papiers surpris, les confidences équivoques entre complices, dont le seul résultat est de dévoiler des mœurs à peine soupçonnées, des coins inconnus d’un monde inavoué. On met une sorte de jactance à nous conter par le détail, comme la chose la plus simple du monde, les plus louches intrigues. C’est certainement bien répugnant, bien fait pour dégoûter et lasser l’opinion en l’éclairant. Après cela, que parle-t-on de mettre de nouveau la justice en mouvement, de recommencer des instructions, des procès? A quoi servirait un procès qui ne ferait que prolonger le bruit et introduire les subtilités juridiques dans une affaire toute morale ? Le vrai procès, il se fait, il s’instruit, il se juge tout seul sans qu’aucun tribunal ait à s’en mêler. Tel qu’il est, il a du moins cet avantage de montrer ce qu’il y a eu réellement de limité et d’artificiel dans cette aventure qui a passé comme un mauvais rêve, combien sont, après tout, restreintes les régions de notre monde français où se sont passées toutes ces agitations, toutes ces intrigues d’un moment. C’est