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même pour qu’il soit nécessaire d’y revenir[1]. Je rappellerai seulement quelles furent les principales réformes faites par M. Cambon ; cela rendra plus saillans les résultats obtenus de 1882 à 1890.

Comme le prodigue Ismaïl-Pacha d’Egypte, trois beys tunisiens, Achmed, Mohammed et Sadock, en voulant faire grand et en comblant leurs favoris de largesses, avaient outrepassé les ressources du trésor. La banqueroute menaçant, ils empruntèrent à tous les taux, et, quand la note à payer fut présentée, elle s’élevait à 350 millions de francs. On la réduisit à 125 millions, sans protestations trop vives des créanciers, ce qui prouverait qu’elle avait été prodigieusement enflée. Toute diminuée qu’elle était, le gouvernement beylical allait faire faillite en raison des intérêts usuraires qu’il lui fallait payer et de l’insuffisance de ses revenus. La commission financière transitoirement instituée par le résident-général ayant pu présenter aux chambres françaises, après deux ans de gestion, un budget se soldant en excédent, les chambres autorisèrent l’émission d’un emprunt d’une rente de 4 pour 100, divisée en obligations de 500 francs, valeur nominale. La dette totale, qui s’était élevée de 125 à 142 millions depuis la réduction, se trouva par ce moyen liquidée pour le mieux, et sous la garantie de la France. La sécurité qu’offrit désormais la dette tunisienne eut son contre-coup au budget des recettes. En 1886, il avait donné un fonds de réserve de 11 millions de francs qui n’a fait que s’accroître. Afin de venir en aide à l’exportation, on supprima les droits de sortie sur les blés, l’orge, les légumes, les volailles, les œufs, la farine et cette coiffure conique des Tunisiens, appelée la chechia. Les traités passés antérieurement à notre protectorat avec l’Italie et l’Angleterre ne permettant pas de relever les droits d’importation, l’on resta impassible devant cette anomalie de produits payant à leur entrée en Tunisie 30 pour 100 de moins qu’en Algérie.

Les beys de Tunis, de même que tous les princes orientaux, ont en général de nombreuses lignées. Aussi les apanages et dotations des princes et des princesses de la régence occupaient-ils toute une longue page du budget; sans réduire à la portion congrue ces rejetons princiers, on régla leurs pensions dans de justes, mais étroites limites; les sinécures furent abolies; les bureaucrates tunisiens, gens modestes et travailleurs qui, comme les Coptes du Caire, ont une aptitude étonnante pour la comptabilité, furent maintenus dans leurs emplois. Le désappointement causé par cette mesure fut grand parmi un certain nombre d’immigrans français ;

  1. Voir, dans la Revue du 15 février et du 15 mars 1887, les Débuts d’un protectorat.