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c’est un morceau de fromage. Que nos cultivateurs augmentent leur production, qu’ils installent de nouvelles fruitières ; il y aura place au soleil pour tous, et la consommation marchera du même pas que la fabrication. Deux mille fruitières environ, concentrées la plupart dans cinq départemens, 14 millions de kilogrammes de gruyère, valant près de 22 millions de francs ; 2 millions et demi de kilogrammes de beurre fabriqués dans ces fromageries et représentant encore 5 millions de francs, voilà des chiffres qu’il serait facile de doubler. Et deux mille fruitières de plus, ce serait deux mille communes nouvelles enrichies, car la fruitière, lorsqu’elle réussit dans un village, c’est l’aisance qui succède à la médiocrité ; c’est l’écoulement des fourrages assuré, l’amélioration des races de bétail, les champs et les prés augmentant de valeur, trouvant acheteurs et fermiers.

Comment s’installent et fonctionnent ces sociétés patriarcales, comment se fabriquent et se vendent les fromages, quels obstacles et quels soutiens rencontre dans son expansion cette industrie ? quelles satisfactions peut-elle réclamer ? telles sont les questions qui se présentent naturellement. Le caractère juridique des fruitières, le droit des habitans d’une commune d’y entrer ou d’en sortir ont fait l’objet de mainte discussion entre les jurisconsultes, et de fréquens arrêts. Enfin, la cour de Besançon ayant décidé, en 1875, que les membres des sociétés de fromagerie ne peuvent être contraints de recevoir de nouveaux associés, et la Cour de cassation ayant rejeté le pourvoi, elles restent définitivement soumises aux règles du droit commun. On ne songe plus aujourd’hui à demander aux chambres une loi qui aurait pour premier résultat de créer quelques nouveaux fonctionnaires ; mais, afin de prévenir les procès et les divisions, on substitue aux vieilles coutumes une convention écrite qui devient le code des parties. Et voici que la loi du 21 mars 1884 fournit à ces associations[1] le moyen de se développer, de respirer en quelque sorte, de marcher et se défendre plus librement. D’après l’article 6, les syndicats professionnels ont pour objet l’étude et la défense des intérêts économiques, industriels, commerciaux et agricoles. Réunissez vos associés, introduisez dans vos statuts un article qui place la fruitière sous le patronage de la loi de 1884, déposez à la mairie le règlement en double exemplaire, avec la liste des membres du bureau, et voilà votre fromagerie passée au rang de syndicat professionnel, dotée de la personnalité civile et des avantages qui en découlent.

  1. Voir les Syndicats professionnels et agricoles dans la Revue du 1er  septembre 1887.