Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/926

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

diverses industries ; ensuite, il consacre trois années à des besognes manuelles quelconques au gré de ses supérieurs; après quoi il se décide. Si une carrière intellectuelle le réclame, il trouve tous les moyens d’y atteindre : hautes écoles et facultés sont ouvertes sans condition aux aspirans quels qu’ils soient; s’il préfère l’industrie, un métier, il est libre encore. Les heures de travail obligatoires sont plus ou moins longues, selon que le travail est plus ou moins attrayant ; les travailleurs eux-mêmes sont juges de ce qu’ils peuvent supporter; divers privilèges qui s’attachent aux plus pénibles besognes (il n’y en a pas de basses ni de méprisées) font que celles-là ne restent jamais en souffrance et, s’il y en avait une qui offrît des désagrémens ou des dangers exceptionnels, il suffirait que l’administration la proposât comme poste d’honneur. Les volontaires ne manqueraient pas, empressés à mériter la reconnaissance nationale. A toutes les époques, sous tous les régimes ce genre d’élan s’est manifesté; on peut toujours compter sur lui. Du reste, une constante préoccupation de la santé, de la sécurité des ouvriers préside aux industries du XXe siècle. La nation ne fait pas, à l’exemple des grands entrepreneurs d’autrefois, bon marché de ses ouvriers. Quand il y a trop de demandes pour une même branche d’industrie, la préférence est donnée à ceux qui se sont particulièrement distingués dans leurs études et dans le service préliminaire de trois ans assigné à la classe dite des travailleurs inhabiles. Jusqu’à l’âge de trente-cinq ans, on peut, d’ailleurs, changer de profession avec toutes les facilités de s’instruire, car il est reconnu que les aptitudes naturelles sont plus lentes à se développer chez quelques-uns que chez d’autres. Tout cela est possible, grâce à la suppression du salaire, qui n’a plus de raison d’être dans un pays où la question d’argent a cessé d’exister. Car c’est là le triomphe de la nouvelle organisation, personne ne se salit plus les mains à toucher de l’argent. Quand un nombre énorme de personnes indépendantes et sans relations entre elles produisaient les mille objets nécessaires à la vie, des échanges perpétuels étaient nécessaires et constituaient le commerce, pour lequel l’argent était un allié indispensable ; mais, la nation étant devenue seule productrice, les individus n’échangent plus rien. Tous se tournent vers une seule et même source ; le système de distribution directe dans les magasins nationaux a remplacé le commerce. Un crédit, correspondant à sa part du produit annuel de la nation, est ouvert à chaque citoyen au commencement de l’année. Avec la carte de crédit qu’on lui remet il se procure ce qu’il veut dans les magasins publics. Cette carte représente un certain nombre de dollars (on a, en supprimant