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de Brandebourg, beau-frère de sa mère, et les princes allemands intéressés au respect du droit divin. Le droit, pour lui, était certain et incontesté, mais personne n’en avait souci. Gustave-Adolphe, soutien victorieux de la cause protestante, jugeant utile de reconnaître les droits de Frédéric, l’appela près de lui et lui donna la joie de se voir traiter en allié et en roi, d’assister à la défaite de Tilly, à la prise de Munich, et de s’installer enfin, en vainqueur, dans le palais de l’usurpateur d’Heidelberg. La déception fut cruelle. Gustave meurt à Lutzen, le sort change et le rêve s’évanouit. Frédéric suivit le héros dans la tombe. Gustave-Adolphe fut tué le 6 novembre, Frédéric mourut le 13 du même mois. Atteint par une fièvre maligne, il succomba surtout à l’inquiétude et au chagrin en léguant à ses fils, trop jeunes encore, les droits qu’il réclamait en vain depuis quinze ans.

Élisabeth, lors de la mort de son père, était âgée de seize ans. Sa mère lui trouvait déjà trop de goût pour la science et lui témoignait peu d’affection. La reine de Bohême, aussi jeune par l’esprit que ses filles, avait pour système d’éducation, et un peu aussi pour morale, qu’il faut laisser chacun faire ce qui lui plaît. Les princes palatins étaient de bonne race, mais cette méthode a laissé paraître, chez les frères comme chez les sœurs, — ils étaient douze, — avec des qualités éminentes, des esprits sans règle et sans frein. Élisabeth, l’aînée des quatre filles, après avoir appris le latin qu’elle lisait, quatre langues vivantes, qu’elle écrivait avec élégance, et compris très solidement la facile rigueur des mathématiques, avait, élevant plus haut encore sa pensée, souhaité passionnément de bien connaître la seule langue aisée à parler, mais la plus difficile de toutes à comprendre, celle des philosophes. Les goûts de Louise étaient très différens ; elle aimait les arts et excellait dans la peinture. Pour se procurer des toiles et des cadres, elle grattait les tableaux anciens et les remplaçait par ses propres œuvres. Son frère, Charles-Louis, dessinait aussi fort habilement.

Ruport et Maurice, qui brillèrent plus tard dans la carrière des armes, étaient dans leur enfance zélés pour l’étude des lettres, et triomphaient à Utrecht dans les savantes disputes de l’université. Rupert, de plus, devint un savant, il a inventé un procédé de gravure qu’on emploie encore aujourd’hui. La spirituelle et aimable Sophie, curieuse plus tard de la philosophie leibnizienne, montra trop de savoir, trop de jugement et trop de goût pour n’avoir pas cherché, dès son enfance, une sérieuse culture intellectuelle.

Élisabeth, plus curieuse qu’il ne convient, osait quelquefois, quoique fière et hautaine, comme une biche qui brave les chasseurs, au risque d’alarmer l’indulgente amitié de Descartes, oublier, pour amuser son ennui, la dignité d’une princesse, les lois