Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 102.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Ce qui signifie à peu près qu’Élisabeth, fille d’un grand roi, disciple de Minerve, fait honneur à la nature qui imprima sur son visage la supériorité du destin sur la force. Le Danube (qui, dit-on, traverse huit Bavières) revendique en vain les terres paternelles. Une telle tête pourrait briser les armes de César.

Le plus jeune des fils de la reine de Bohême, Philippe, se retira à Venise, dit Dumourier, fils de l’ambassadeur de France à La Haye, pour une action qu’il vaut mieux taire que dire.

Amelot de la Houssaye, éditeur des mémoires, ajoute : « Philippe assassina à La Haye un gentilhomme français nommé L’Espinay que l’on soupçonnait d’avoir commerce avec la reine de Bohème et avec la princesse Louise, sa fille. »

La mort de L’Espinay jeta dans la famille de graves divisions. Baillet, le prolixe historien de la vie de Descartes, est, sur cette aventure, plein de réticences et de contradictions. « Élisabeth, dit Baillet, demeura à La Haye jusqu’à la mort du sieur L’Espinay, gentilhomme français qui avait été obligé de quitter son pays pour éviter les effets de la jalousie d’un grand prince qu’il servait, au sujet d’une demoiselle de Tours qu’il prétendait épouser. Ce gentilhomme avait beaucoup de ces qualités de l’esprit et de corps qui servent à gagner l’estime et l’affection des autres, et il ne fut pas longtemps en Hollande sans s’attirer de semblables jalousies, qui le firent assaillir en plein jour, à La Haye, dans le marché aux herbes, par le prince Philippe, cadet de la maison palatine. Le bruit courut alors qu’une action si noire avait été conçue sur le conseil de la princesse Élisabeth. La reine mère, qui prenait beaucoup de part à cette affaire, en conçut tant d’horreur, que, sans se donner la peine d’en examiner le fond, elle chassa son fils avec sa fille de chez elle, et ne voulut jamais les revoir de sa vie. » L’Espinay, on le devine, n’avait jamais songé à épouser aucune demoiselle de Tours.

Bassompierre raconte en quelques mots le motif de son départ de France :

« Monsieur, frère du roi, fit ce mois-là (mars 1639), pour sa maîtresse Louison, un grand écart pour sa maison, de laquelle il chassa Brinon et L’Espinay. »

Mlle de Montpensier nous apprend, sans embarras, tout l’intérêt que son père portait à cette Louison :

« Je me rendis à Tours, dit-elle (elle était alors âgée de dix ans, et son père s’était récemment remarié). Je me mis sur la rivière, dans une petite galère qui était à Monsieur, qui l’avait fait faire pour se promener sur la Loire. Je me fis arrêter à trois lieues de la ville et achevai le reste du chemin en carrosse. Je trouvai Monsieur