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sœur. Mais elle aurait préféré, sans doute, la définition plus courte et plus vive, mais non moins claire, de Bossuet : « Aimer, c’est-à-dire aimer ! Que sert-il d’expliquer davantage. »

Louise Hollandine et la jeune Sophie, la future amie de Leibniz, alors âgée de quinze ans, auraient également adopté sans longues méditations, et en l’abrégeant un peu, la définition de la joie et de la tristesse.

« La joie est une agréable émotion de l’âme en laquelle consiste la jouissance qu’elle a du bien que les impressions du cerveau lui représentent comme sien.

« La tristesse est une langueur désagréable en laquelle consiste l’incommodité que l’âme reçoit du mal, ou du défaut que les impressions du cerveau lui représentent comme lui appartenant. »

Après avoir défini les passions. Descartes enseigne à la jeune et curieuse élève quels sont les mouvemens du corps et des esprits qui les accompagnent.

« En considérant les diverses altérations que l’expérience fait voir de notre corps pendant que notre âme est agitée de diverses passions, je remarque en amour, quand elle est seule, c’est-à-dire quand elle n’est accompagnée d’aucune forte joie, ou désir, ou tristesse, que le battement du pouls est égal et beaucoup plus grand et plus fort que de coutume, qu’on sent une douce chaleur dans la poitrine et que la digestion des viandes se fait fort promptement dans l’estomac, en sorte que cette passion est utile pour la santé. »

Les avantages de la joie sont moindres que ceux de l’amour. « En la joie, le pouls est égal et plus vite qu’à l’ordinaire, mais il n’est pas si fort ou si grand qu’en l’amour ; on sent une chaleur agréable qui n’est pas seulement en la poitrine, mais qui se répand aussi en toutes les parties extérieures du corps, avec le sang qu’on y voit venir en abondance, et cependant on perd quelquefois l’appétit à cause que la digestion se fait moins bien que de coutume.

« En la tristesse, le pouls est faible et lent, et on sent comme des liens autour du cœur, qui le serrent, et des glaçons qui le gèlent et communiquent leur froideur au reste du corps ; et cependant on ne laisse pas d’avoir quelquefois bon appétit et de sentir que l’estomac ne manque point à faire son devoir, pourvu qu’il n’y ait point de haine mêlée avec la tristesse. »

Ces analyses sont réputées très ingénieuses et très fines. Une discussion serait difficile. Rien ne peut remplacer les citations textuelles.

Descartes aimait Élisabeth comme une fille chérie. L’étrange résolution qu’il prit de céder aux désirs de la reine Christine, en