Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 102.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paiement, trop rigoureusement même, car en refusant toute concession, elle arrivait souvent à ne rien recevoir.

Son frère, responsable de la dette, lui écrivait en 1676 :


« Madame la princesse Élisabeth,

« J’ay toujours ouï dire qu’il n’est pas mauvais d’accepter à bon compte ce qu’on offre, quoique les affaires changent si souvent de face que celuy qui le fait aujourdhuy peut devenir demain incapable de l’effectuer. Après la guerre avec les Lorrains, je vous ai offert cinq foudres de vin par an, quoique je vous aye assez remontré que les loix ne m’y obligeaient point. Cela vous eût bien valu quelque chose si vous eussiez accepté, mais il me semble que vous aurez mieux aimé en faire des arrérages. Depuis, il y a environ deux ans, j’ay proposé des revenus du cloître de Libenau, près de Worms et non de Lorbach, comme vous croyés, celui-cy n’estant pas un cloître. Vous avez encore laissé reposer cette affaire-là, dont je n’ay pas esté fâché, puisque ce délay a fait voir que vous n’en avez pas eu grand besoin. À cette heure, au moment où je reçois votre lettre, les Français me font la guerre ; ils m’ont osté le château de Germersheim, qu’ils ont mis en contribution. Aussi le bon Dieu n’a pas béni la dernière vendange (peut-être parce que vous n’en avez pas voulu), au lieu de 80 foudres de Bacara de la précédente, je n’en ai eu que 9 celle-cy, pour les payer, au lieu de m/20 R d’un quartier de l’année passée, je n’en ay eu que la présente. Mes autres revenus vont à cette proportion et le nouveau duché ne me rend pas grand’chose ; outre qu’une vieille et une jeune duchesse, toutes deux douairières, m’en emportent une grande partie. Enfin, le tout est au pouvoir du bon Dieu et du grand roi de France, dont on dit que vous êtes pensionnaire, car sans cela, ou que vous fussiez plus jeune que vous n’êtes, vous ne prendriez pas son parti avec tant d’animosité, comme on dit que vous faites. J’ay si peu de proches héritiers avec lesquels vous ne pourriez entrer en affaires et de si jeunes gens, et vous et moi pas si vieux, que je ne crains pas que nous survivions ces procès de les mettre en danger d’avoir un jour de fâcheuses affaires. Je suis avec sincérité et fidélité comme cy-devant.

« Mais lorsque je serai maître de mon bien, s’il vous plaît d’ordonner quelqu’un qui entend les affaires et qui s’informe de nos offres dont j’ay laissé le détail à Heydelf, je ne doute pas que je ne fasse voir à tout le monde que je suis plus équitable que vous ne voulez qu’on croye.

« CHARLES-LOUIS. »