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Parmi les études actuelles, les seules qui prospèrent malgré ce qu’on a nommé la « banqueroute générale de l’enseignement, » ce sont les études philosophiques. « Nos élèves, dit M. Lachelier dans son rapport au conseil supérieur, suivent l’enseignement philosophique avec intérêt et se l’assimilent avec une facilité qui a été remarquée, cette année même, par l’inspection générale. » Ce n’est pas seulement parce que, dans ces dernières années, au lieu d’affaiblir les études philosophiques comme les autres, on les avait fortifiées (du moins pour les élèves des lettres), et que d’ailleurs elles répondent mieux à l’esprit des jeunes gens qu’une simple étude de mots ou de phrases ; c’est aussi et surtout parce que les professeurs de philosophie, en raison même de leurs travaux, ont un peu plus de cet esprit élevé, désintéressé et universel, de cette passion pour le progrès des idées et pour la culture des esprits, en un mot, de cet apostolat laïque et civique qui est essentiel à tout éducateur de la jeunesse. Il y a, dans la philosophie française, un mouvement en avant, et, dans l’enseignement même, nos jeunes professeurs de philosophie sont parmi les plus aimés, les plus respectés[1]. Profitons de cette ardeur salutaire ; puisque, dans la

  1. On en a vu des preuves récentes jusque dans les distributions du concours général. Quand un professeur de philosophie y prend la parole, — qu’il s’appelle M. Rabier ou M. Darlu, — les harangues fleuries des littérateurs sont-elles regrettées ? Loin de là : les pensées les plus graves et les paroles les plus austères sont celles qui retentissent le mieux au cœur même de cette jeunesse française qu’on croit frivole. On s’aperçoit bientôt que le plus sûr moyen de réveiller son enthousiasme, c’est encore de la rappeler au sentiment de ses destinées morales et sociales.