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Tunisie, où se rencontrent des espaces aussi peu habités que certaines régions du far-west?

Une ligne ferrée, indispensable à construire, serait celle qui, en raison de la densité de la population et de la fertilité des terres, devrait pénétrer dans le sud de la régence. Pour bien l’établir, deux tracés se présentent : l’un par le col de Zaghouan, l’autre par le col d’Hammamet. Par le premier, la voie devrait remonter la vallée de l’Oued-Miliane, là où des colons français ont déjà mis en culture 15,000 hectares de terres, et où s’étend la plaine de Mornaq avec sa belle forêt de 300,000 oliviers. Par le second tracé, le chemin de fer projeté, faisant jonction à celui d’Hammamet-Lif, traverserait la presqu’île du Cap-Bon, c’est-à-dire la région la plus florissante, la plus riche et la plus peuplée de la Tunisie. On y exploiterait la plaine de Soliman, avec ses 1,500,000 oliviers, puis des jardins, paradis terrestres en miniature, produisant abondamment non des pommes d’une consommation réservée, mais des oranges, des citrons, des légumes et autres fruits et végétaux exquis.

Quel que soit le tracé qui sera adopté, col d’Hammamet ou Zaghouan, on atteindra facilement et sans frais excessifs le Sahel de Kairouan, ainsi que le vaste domaine de l’Enfida auquel il est de toute justice de faciliter des débouchés. Ainsi que le fait remarquer le directeur des travaux publics, « il ne manque à ce territoire, pour devenir considérable, que des moyens de communication et un emploi judicieux des eaux, que les Romains avaient su aménager d’une façon remarquable et qui alimentaient autrefois de nombreuses villes dont on retrouve les ruines à chaque pas. »

Sousse, Kairouan et Sfax doivent, de toute nécessité, être reliées à Tunis par le futur réseau, Sousse, parce que son port, le port principal du Sahel, avoisine des forêts d’arbres fruitiers comprenant la moitié des oliviers de la régence; Kairouan, parce que sa population de 20,000 âmes a toujours été en rapports constans avec les autres villes, et que c’est par là que passent les produits des oasis du sud. Kairouan, en raison de son passé universitaire, de sa renommée de ville sainte, de ses merveilleuses mosquées, attirera toujours à elle un nombre considérable de pèlerins, de touristes, ainsi que cela a lieu pour l’oasis de Biskra, qui n’a d’autre attrait que sa situation dans les sables, son voisinage du désert saharien. Quant à Sfax, une voie ferrée lui est due également, grâce à sa population de 40,000 âmes, à son port qu’il faudra livrer à la drague pour le rendre parfait, à ses jardins, autres paradis terrestres où se cultivent la pistache, la grenade, l’amande douce et l’olivier.

En prolongeant la ligne de Tunis à Sousse, puis à Sfax, il ne faudrait pas manquer d’établir une station à l’ancienne ville romaine