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côté économique de la première de ces questions. Ceux qui réclamaient avec le plus d’insistance la solution qui a prévalu se contentaient de mettre en avant leurs convenances particulières, comme si leur propre bien-être ne dépendait pas, avant tout, de la prospérité générale. À leurs yeux, la loi était un remède à tous les maux, une panacée universelle ; la production ne diminuerait pas, le capital ne serait pas atteint dans sa source ; quant à la concurrence étrangère, elle ne comptait pas. Qu’importaient les observations et les reproches des représentans des industries textiles ? Et, cependant, que d’objections se seraient présentées en foule à des esprits moins prévenus ! Aujourd’hui, les patrons ne sont pas plus que les ouvriers des agens indépendans ; la prudence leur interdit l’absolutisme et l’intransigeance économiques. Au-dessus et à côté d’eux, des facteurs nouveaux et inattendus surgissent, se meuvent et influent sur les conditions générales du travail. Les manufactures anglaises n’ont plus la prétention d’être les maîtresses du monde ; elles ont des rivales aussi bien outillées qu’elles, protégées en outre par des tarifs de douane. La France, l’Allemagne, la Belgique, sont devenues des concurrentes formidables ; les États-Unis, l’Inde même, tendent à supplanter dans l’extrême Orient les célèbres cotonnades de Manchester. Voici le bill Mac Kinley, dont l’application restreindra, pendant quelque temps au moins, l’activité des ateliers du pays. Il faut découvrir de nouveaux débouchés, trouver des cliens, écouler la marchandise, vivre en un mot ; le moment était-il bien choisi pour parler de se croiser les bras ? Au surplus, dans cette multiplicité d’entreprises que les capitaux britanniques créent un peu partout, docks, ponts, chemins de fer, canaux, approfondissement du lit des rivières, quelles sociétés consentiraient à se lier les mains, quels chefs d’industrie s’assujettiraient à régler leur production, à l’enfermer dans des limites connues d’avance et à n’exercer, par conséquent, sur l’ensemble des affaires qu’une influence insignifiante ? Mais ce n’est pas à nous qu’il incombe de faire toucher du doigt à nos voisins les vices d’un système qui les affaiblirait promptement, à supposer qu’ils l’adoptassent. La vérité est que, s’il y a un coin de la terre toute réglementation de ce genre est impossible, c’est la Grande-Bretagne ; nulle part la réforme ne rencontrera plus d’opposans. Le peuple anglais n’oubliera pas qu’il doit à l’initiative privée, à la faculté de travailler comme il l’entend, le plus clair de sa richesse et de sa force.

Que dire, enfin, de cet acharnement que mettent les violens du parti à poursuivre les malheureux qui, pour des raisons dont ils sont seuls juges, refusent de s’enrôler sous la bannière du nouvel