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sensoriels et en rapport avec le tégument, mais dont la destination précise est encore problématique. La peau des poissons contient tout un assortiment d’organes inexpliqués.

Les expériences personnelles de sir John Lubbock concernent les mœurs de ces petits êtres auxquels leur intelligence et leurs vertus assignent, dans l’échelle animale, un rang si élevé. Il les a longuement décrites ailleurs ; il y revient pour achever telle démonstration, — pour établir, par des faits précis, que les abeilles possèdent réellement la faculté de distinguer les couleurs, qu’il leur avait attribuée, — pour nous convaincre que les fourmis sont particulièrement sensibles aux rayons violets, et que leur faculté de perception s’étend même jusqu’à ces rayons ultra-violets qui d’ordinaire sont en dehors des limites de notre vision. D’autres expériences récentes semblent prouver que les animaux dépourvus d’yeux peuvent encore être sensibles à la lumière : ainsi les vers de terre et les lézards d’eau perçoivent la différence entre le jour et les ténèbres par la surface générale de la peau.

L’exception confirme la règle, et la limite qu’elle rencontre marque encore mieux la réalité d’une loi. Rien d’amusant comme le récit de ces pièges tendus par de malicieux naturalistes à de pauvres insectes pour tâcher de mettre en défaut l’infaillibilité de leur instinct et les prendre en flagrant délit de « stupidité. » Un sphex, ayant approvisionné son alvéole, déposé son œuf, et étant sur le point de fermer son nid, M. Fabre le chasse, retire à la fois l’œuf et la sauterelle ; il laisse alors revenir le sphex, le voit rentrer dans son alvéole vide et procéder ensuite imperturbablement à la fermeture du logis, comme s’il eût été toujours habité. Une autre fois, M. Fabre regarde faire une abeille sauvage qui construit des alvéoles en maçonnerie, qu’elle remplit de miel à mesure ; quand les murs sont suffisamment élevés, elle prépare une dernière charge de mortier, dépose son œuf et ferme immédiatement l’orifice. Si, pendant ses voyages, de légers dégâts sont faits à sa maçonnerie, elle ne manque jamais à les réparer. Mais M. Fabre a l’idée de percer un trou au-dessous de la partie où l’insecte travaille, et par ce trou le miel commence à s’écouler. Pour cette fois, c’est trop : la catastrophe dépasse le niveau de son intelligence et l’abeille continue de porter son miel dans le nouveau tonneau des Danaïdes, qu’elle ferme ensuite gravement, après y avoir déposé son œuf. Citerons-nous d’autres expériences qui avaient pour but de constater que le prétendu « sens de direction, » qui a été attribué aux insectes comme aux oiseaux et qui les guide, dit-on, vers leur nid, n’est rien moins que prouvé ? Parlerons-nous du chien Van, à qui la gourmandise apprend à déchiffrer les hiéroglyphes que son maître a tracés sur une série de cartons ? Il vaut mieux le remettre à une autre occasion.


Le directeur-gérant : CH. BULOZ.