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la plus courte ligne qu’on puisse tirer de la mer au lac Tchad. Au-delà de Yola, et jusqu’au lac, les parties contractantes ont renoncé à préjuger l’attribution future de l’Adamaua.

La convention anglo-française a concilié les prétentions respectives des deux puissances sur le Niger. Il sera nôtre en amont de Say ; anglais au-dessous. On a évité de prévoir le terme extrême de notre pénétration à l’ouest du fleuve, au sud de sa grande boucle. À l’est, une ligne tirée de Say jusqu’à Barroua, sur le lac Tchad fixe l’avenir du Soudan central. L’Angleterre se le réserve en entier. D’après toutes les relations des voyageurs, toutes les études des géographes, la ligne Say-Barroua marque la limite septentrionale des pays fertiles, arrosés, peuplés ; rigoureusement menée, cette ligne nous laisserait au nord quelques terres cultivables, la petite principauté de Sinder, le Damergou ; mais sur la plus grande partie de son tracé, elle suivrait la base des hammâda, les premiers relèvemens du Sahara, où commence l’aire de parcours des Touareg. « Un sol léger, très léger, » comme l’a dit lord Salisbury, avec plus d’ironie que d’exactitude, puisque ce sol est de la pierre. — Sans parler des avantages que la convention nous assure à Madagascar, ce n’est pas un point indifférent qu’elle mette hors de conteste le fameux hinterland algérien, c’est-à-dire les déserts qui séparent les deux Frances africaines, de l’Atlas au Sénégal. Néanmoins, un traité qui nous évince du Soudan central, de ce grand marché africain où toutes les voies de pénétration devront aboutir pour être rémunératrices, — un pareil traité prêterait à de graves objections, s’il n’avait un correctif dans l’acte de Berlin. La conférence de 1885 a stipulé pour tout le bassin du Niger la plus entière liberté commerciale. Avec cette sauvegarde, il est permis d’attacher peu d’importance aux partages préventifs de pays qu’on n’a pas atteints ; ce ne seront point les diplomates, mais les ingénieurs et les négocians qui auront le dernier mot dans la question. L’exploitation du Sokoto et du Bornou est promise à ceux qui y apporteront le plus de diligence et d’habileté ; ces royaumes appartiendront moralement aux premiers fondateurs de comptoirs et surtout aux premiers conducteurs de locomotives. Dans les régions neuves, le bon sens général accorde plus de droits aux intérêts concrets qu’aux protocoles diplomatiques ; on l’a bien vu à Zanzibar ; nous protégions le sultanat au même titre que l’Allemagne et l’Angleterre ; nous n’y avions pas d’intérêts ; quand l’Allemagne et l’Angleterre en ont disposé, nous avons à peine réclamé pour la forme, nous avons galamment biffé notre signature sur la convention de 1862, et nous avons sagement fait.

Telles sont, esquissées à grands traits, les positions prises par