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transporté à Anvers. Il put croire un instant que le duc de Cumberland, encore occupé à La Haye à rassembler les troupes alliées, allait venir l’y chercher. Mais les succès furent si rapides, que le temps manqua même pour donner à cette menace un semblant d’exécution.

Chacun de ces brillans faits d’armes était annoncé par Maurice avec sa verve railleuse accoutumée. — « Je vous envoie la capitulation de l’Ecluse, écrit-il le 22 avril ; elle est, comme on dit, au gros sel. Donnez une commission de colonel à celui qui vous l’apporte, c’est un de mes meilleurs marmitons. » — Et le 4 mai : — « Je tiens maintenant le loup par les oreilles ; il ne me reste plus qu’Hulst, dont je viendrai à bout dans quatre jours. »

Puis le 12 : « M. Delaroque (le commandant d’Hulst) m’a fait dire que le cadre d’or qu’il avait l’intention de mettre à mon portrait serait plus ou moins large, suivant la capitulation que je lui accorderais. » — Enfin, le dernier jour annonçant la chute d’Axel : — « Tout est fini ; je crois que cela s’appelle viser juste, vu les difficultés qu’il y avait à surmonter[1]. »

Cette dernière conquête était de toutes la plus singulière, car la forteresse d’Axel, élevée sur une des îles de l’Escaut, semblait par là même à l’abri d’une attaque improvisée : elle se rendit cependant sans qu’il fût même tiré un coup de canon. Ce fut l’œuvre d’un très jeune officier, le comte de Broglie, second fils du dernier maréchal et frère du nouveau duc ; son supérieur, M. de Contades, lui en faisait honneur dans les termes suivans : — « On a raison de dire que les moyens qui paraissent le plus éloignés de la vraisemblance réussissent quelquefois. Je voyais des difficultés sans nombre pour pénétrer dans l’île d’Axel, séparée du continent par un bras de mer, ne pouvant cependant me flatter de se rendre maître d’Axel qu’après avoir débarqué dans l’île. Quelque extraordinaire que cette proposition me parût, j’ai envoyé un officier à Axel pour porter une lettre à l’officier qui y commande : je lui mandais que j’avais des choses à lui proposer qui lui seraient utiles à la ville et à sa garnison, et que, s’il l’approuvait, je lui enverrais un officier principal pour lui en faire part ; il y a consenti, j’y ai envoyé le comte de Broglie, qui a trouvé moyen de lui persuader que je lui donnais une grande marque de bonté en lui permettant d’évacuer le pays d’Axel et de sortir de la ville avec les honneurs de la guerre. Il a signé la capitulation, que j’envoie à M. le maréchal de Saxe par M. le comte de Broglie. Je ne doute pas que M. le maréchal ne le charge de vous la porter ; il est certain que

  1. Maurice de Saxe au comte d’Argensor. (Ministère de la guerre.)