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protestant de leur respect et de leur affection pour le roi mal conseillé. Tiempi passati : ce fut la grande illusion de Foucquet de s’imaginer qu’ils pouvaient revenir. Quoi qu’il en soit, on comprend bien la joie de Colbert en possession d’un tel écrit. Désormais ce n’était plus seulement de péculat, c’était de lèse-majesté que l’accusation pouvait se produire. Louis XIV s’était déjà laissé dire que Foucquet voulait se faire duc de Bretagne et roi des îles bretonnes.

Il fallait « purger le siècle » par une punition dont on parlerait encore dans cent ans ; c’est l’expression même de Colbert. Une chambre de justice fut instituée « pour la recherche des malversations commises dans les finances depuis 1635, et de tous les crimes et délits commis à l’occasion d’icelles, par quelques personnes et de quelque qualité qu’elles fussent. » Elle avait Séguier pour président d’honneur, comme on dirait aujourd’hui, Lamoignon pour président effectif, Denis Talon pour procureur-général, et pour membres des magistrats pris dans les divers parlemens, dans la chambre des comptes de Paris et parmi les maîtres des requêtes. La séance d’ouverture fut tenue le 3 décembre 1661, puis la chambre s’ajourna en attendant que les causes à instruire fussent en état de lui être soumises ; elle devait longtemps attendre. Pour l’affaire de Foucquet, Talon fit travailler un avocat, très honnête homme, mais très formaliste, nommé Gomont, lequel devait s’entendre avec Foucault, greffier de la chambre, et avec un certain Berryer, qui était l’âme damnée de Colbert. Le 3 mars 1662, la chambre rendit arrêt comme quoi il serait informé contre l’ancien surintendant des finances et délégua pour les interrogatoires deux de ses membres, Poncet et Renard, assistés de Foucault.


VII

Détenu d’abord au château d’Angers, Foucquet y avait failli mourir, et c’était à grand’peine qu’on lui avait accordé l’assistance d’un médecin. L’idée lui était venue de s’adresser à Le Tellier, qu’il ne croyait pas si bien d’accord avec Colbert. « Je puis, lui écrivait-il, avoir fait des fautes, je ne m’en excuse pas ; j’en ai fait qu’il a fallu faire… On ne pouvoit pas avoir de règle certaine avec M. le cardinal en matière d’argent ; jamais d’ordre précis. Il blâmoit et permettoit néanmoins ; il désapprouvoit tout après. » Faisant allusion aux éclaircissemens qu’il avait donnés à Louis XIV, il ajoutait : « Le roi très obligeamment me dit qu’il me pardonnoit tout et m’en donna sa parole ; cependant je me trouve emprisonné et poursuivi ! .. On prend encore mon argent la veille : dans un temps