Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 102.djvu/867

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lois il écrivait : « Faites mes complimens à mes frères et à mes sœurs, s’il y en a encore en vie. »

Depuis l’année 1671, il avait un compagnon de captivité, ou plutôt il y avait un autre captif à Pignerol, mais Foucquet n’en savait rien ; c’était Lauzun. Quel captif ! Il faisait le désespoir de Saint-Mars ; il rongeait sa vie. « Tant que je n’ai pas eu M. de Lauzun, écrivait-il à Louvois, je croyois que M. Foucquet étoit un des plus méchans prisonniers à garder qu’on pût trouver, mais à présent je dis qu’il est un agneau auprès de l’autre. » En effet, Lauzun était un vrai diable ; tant il fit qu’il réussit, en dépit du geôlier, à se mettre en communication avec Foucquet, et même à se hisser, par une cheminée, jusque dans sa chambre. On peut juger si l’ancien surintendant fut surpris quand il vit ce petit homme, qui n’était en 1661, au voyage de Nantes, que le petit Péguilin, et surtout quand il l’entendit lui faire des contes à troubler l’équilibre de son cerveau. Assurément, Saint-Simon n’assistait pas à l’étrange entrevue, cependant telle il l’a peinte, telle elle a dû être. « Les voilà donc ensemble, et Lauzun à conter sa fortune et ses malheurs à Foucquet. Le malheureux surintendant ouvroit les oreilles et de grands yeux quand ce cadet de Gascogne, jadis trop heureux d’être recueilli et hébergé chez le maréchal de Gramont, lui raconta qu’il avoit été colonel-général des dragons, capitaine des gardes, général d’armée. Foucquet le crut fou et visionnaire quand il lui expliqua comment il avoit manqué la grand’maîtrise de l’artillerie et ce qui s’étoit passé après là-dessus ; la folie lui parut arrivée à son comble quand Lauzun raconta son mariage avec Mademoiselle, consenti, puis rompu par le roi, tous les biens que l’avare princesse lui avoit assurés. » N’aurait-on pas dit les hallucinations d’un aventurier en délire ?

La prison avait détruit la santé de Foucquet. « Il n’y a mal dans un corps humain, disait-il, dont je ne ressente quelque atteinte. Je ne me vois point quitte de l’un que l’autre n’y succède, et il est à croire qu’ils ne finiront qu’avec ma vie. » En même temps, il était résigné à la volonté de Dieu, le sentiment religieux se partageait avec l’amour des siens la possession de son âme. Au mois de juin 1678, il eut une grande consolation. Le roi avait permis à Mme Foucquet d’aller à Pignerol avec ses enfans et son beau-frère Gilles. L’infortuné eut enfin quelques heures de joie. Par malheur, Lauzun vint se jeter à la traverse. Les deux prisonniers depuis quelque temps étaient autorisés à se faire mutuellement visite ; l’odieux courtisan profita de ce commerce pour essayer de séduire la fille de Foucquet.

Celui-ci était de plus en plus malade ; on disait que le roi lui