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lui avaient fourni les élémens. Seul le musée de Harlem, avec les grandes toiles qu’il possède de Hals et de quelques-uns de ses prédécesseurs, permettait autrefois de soupçonner l’importance de ces sortes de peintures, jusqu’à ce que l’établissement du Ryksmuseum vînt montrer la place capitale qu’elles ont tenue dans l’école hollandaise. En voyant réunies, autour de la Ronde de nuit et des Syndics de Rembrandt, les œuvres nombreuses et remarquables de peintres tout à fait oubliés, on rendit mieux justice à leur mérite, et leurs noms furent remis en pleine lumière. Depuis lors, un mouvement généreux de patriotique émulation s’est répandu de proche en proche pour créer ou restaurer une foule de musées municipaux, non-seulement à La Haye, à Dordrecht, à Utrecht, mais dans les moindres centres, à Gouda, à Bois-le-Duc, Middelbourg, Hoorn, Enkhuysen, Alkmar, De venter, Kampen, etc. Ces musées, les recherches et les découvertes qu’ils ont suscitées, nous valent dès maintenant un ensemble précieux d’informations nouvelles. Grâce à elles, il est devenu possible de suivre depuis ses origines jusqu’à son complet développement un genre propre à la Hollande, genre vraiment national, puisque des liens étroits le rattachent à son histoire.

Nous nous proposons d’étudier aujourd’hui parmi ces peintures celles qui ont trait aux corporations militaires. Très anciennement formées, ces dernières ont en général servi de types aux autres, et elles ont aussi joué un rôle prépondérant. Les transformations successives qui accusent leurs progrès et leur décadence correspondent donc plus directement aux vicissitudes mêmes du pays où elles ont pris naissance. Mais peut-être comprendrons-nous mieux toute l’originalité de cette branche considérable de l’art en constatant tout d’abord les différences profondes qui s’accusent à cet égard entre l’école flamande et l’école néerlandaise. Nous nous expliquerons plus clairement en tout cas la démarcation qui allait s’établir entre ces deux écoles, au moment même où les diverses provinces des Pays-Bas, primitivement unies sous une même domination, étaient violemment séparées par la politique.


I

L’esprit d’association, il faut le reconnaître, n’était pas moins développé en Belgique qu’en Hollande ; mais, suivant le tempérament de leur population respective, il a revêtu dans ces deux pays des formes bien différentes. Au point de vue de la civilisation, les provinces méridionales des Pays-Bas apparaissent les premières dans l’histoire. Une nature plus clémente leur avait procuré de