Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 102.djvu/884

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’aisance dans leur pose et dans leur expression. Ce sont des archers, car l’un d’eux tient en main une flèche ; un autre s’apprête à boire un verre de vin. La peinture est ici de qualité supérieure, et Dirck Barentsz s’y révèle comme un portraitiste de premier ordre. Si dans d’autres ouvrages, par exemple dans le triptyque de l’Adoration des bergers du musée de Gouda (dont l’attribution est loin d’être certaine), il ne se défend pas mieux que la plupart de ses contemporains de ce maniérisme qu’on prenait alors pour le grand art, il n’en laisse paraître aucune trace quand il se contente d’interpréter la figure humaine. Bien qu’il ait habité pendant sept ans l’Italie (de 1554 à 1561), où il était connu sous le nom de Teodoro Bernardi, il n’a conservé de son séjour au-delà des Alpes qu’une ampleur de facture, une noblesse et une franchise d’expression qui rappellent la manière du Titien, chez lequel il avait surtout étudié. Les types, il est vrai, accusent une origine septentrionale ; mais ces visages résolus, avec leurs yeux ardens et expressifs, ont un air de famille avec ceux des grands seigneurs vénitiens que peignait son maître, et Barentsz a sans doute prêté à ses modèles quelque chose de sa propre distinction. L’histoire nous apprend, en effet, qu’il avait l’esprit très cultivé, qu’il était bon musicien, latiniste consommé, et qu’il entretenait des relations suivies avec les hommes les plus éminens de son pays à cette époque, tels que Lampsonius et Marnix de Sainte-Aldegonde.

Pendant la période suivante, de 1566 à 1579, nous ne trouvons à signaler aucun tableau de gardes civiques. Les membres de ces corporations avaient mieux à faire à ce moment que de poser devant leurs peintres, et l’on sait la part qu’ils prirent à la défense et à l’affranchissement de leur patrie. Répondant à l’appel de Guillaume de Nassau, des compagnies de volontaires s’étaient formées parmi eux, en 1573, à Gouda, à Dordrecht, à Délit et à Rotterdam, pour venir au secours de Harlem assiégée, et le sentiment de patriotique solidarité qui poussait ainsi les gildes bourgeoises à s’unir contre l’ennemi commun finissait par amener le triomphe de l’indépendance nationale. Après la guerre, les associations militaires avaient vu croître leur nombre et leur importance. Dans la plupart des villes, surtout dans celles qui avaient le plus souffert, ces associations s’étaient reconstituées sur des bases plus larges, et leurs Doelen avaient été agrandis. Ils conservaient cependant leurs anciens noms, mais ce n’étaient plus là que de pures désignations qui n’impliquaient aucun caractère religieux. Quelques-unes de ces gildes, formées par dédoublement, se distinguaient simplement de celles qui leur avaient donné naissance par les dénominations de a nouvelle gilde de saint George ou de saint Sébastien ; » le plus souvent elles avaient trouvé à s’installer dans des églises ou des