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goûter comme il faudrait un mérite qui, dans une école moins riche en portraitistes, assurerait sa place au premier rang, on mesure la distance qui le sépare de ces maîtres. Mais si, avec ses qualités d’ordre moyen, il s’efface aujourd’hui devant eux, la vogue dont il a joui pendant de longues années s’explique d’elle-même. Son bon sens, son savoir, la conscience toujours pareille de son exécution, font, en effet, de lui un des représentans les plus accomplis du tempérament hollandais et c’est lui, à tout prendre, qui nous a laissé les témoignages les plus fidèles des mœurs et du goût de son époque. Tandis qu’avec Rembrandt nous entrons dans un monde quelque peu imaginaire, transfiguré encore par l’atmosphère mystérieuse dans laquelle il se meut, Van der Helst nous offre, sous la pleine lumière d’un jour invariablement égal, des types bien réels et des actions franchement définies. Loin de renier les programmes acceptés, il s’y conforme de son mieux et presque seul, en face de l’influence jusque-là croissante de Rembrandt, il reste lui-même sans la subir. C’est aux anciennes traditions des Mierevelt, des Ravesteyn qu’il se rattache, et ses analogies les plus marquées sont avec Elias, qui a continué ces traditions et dont il a probablement fréquenté l’atelier. Sans doute, quelques-unes de ses figures sont assez vulgaires ; à la place des héros des anciens jours, avec leur mine austère, leur énergie un peu sombre et leur noblesse inconsciente, nous ne voyons plus ici que les visages épanouis d’honnêtes bourgeois, bons vivans, naïvement préoccupés de leur importance et de l’effet qu’ils produisent. Aucune ombre ne nous dérobe leurs traits ; tous se carrent et s’étalent, cherchant à qui mieux mieux à attirer notre attention. Les dimensions de cette longue frise (7m,50 de long sur 2 mètres de haut) ne permettaient guère, il faut en convenir, d’y concentrer l’effet ; mais Van der Helst n’y a même pas songé. Sans s’inquiéter de l’unité de son œuvre, sans sacrifier aucun des nombreux épisodes qu’il y a introduits, il multiplie hors de propos les détails, et de peur d’être mal compris, il appuie assez lourdement sur chacun d’eux. Tout cela est donc un peu trop souligné, un peu terre à terre, et l’animation factice de ces personnages groupés sans beaucoup d’art fait seule les frais de cette grande composition.

Sous le rapport de l’ordonnance, le Banquet de la garde civique dans la grande mile du Doelen de Saint-George, le 18 juin 1648, témoigne d’un progrès manifeste. Cependant, si les masses sont mieux réparties et un peu mieux reliées entre elles, les intentions ne sont guère plus élevées. Bien qu’il s’agisse cette fois de fêter la paix de Munster[1], on chercherait en vain dans l’œuvre de Van

  1. M. Riegel fait observer à cette occasion que la paix n’était pas encore tout à fait conclue à cette date, le traité définitif n’ayant été arrêté que le 8 septembre 1648 et promulgué le 21 octobre suivant ; mais, de fait, elle était déjà assurée par des traités partiels, notamment par l’accord survenu le 15 mai de cette année avec les Espagnols.