Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 102.djvu/940

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’historiens aient eu, au même degré que lui, le sentiment de la diversité des époques ; et que peu de romanciers aient trouvé, comme lui, la juste mesure de ce que l’on peut concilier de fiction légitime avec la vérité de l’histoire.

Les livres d’histoire illustrés ne sont pas nombreux cette année. Nous n’en trouvons guère en tout que deux ou trois qui méritent vraiment qu’on les signale. Tel est : la Vie d’Ignace de Loyola[1], par le père Charles Clair, de la Société de Jésus. On parle beaucoup et fréquemment d’Ignace de Loyola : je ne sais pourquoi j’imagine qu’on le connaît peu. La faute, au moins, n’en sera pas au père Clair. Il a pris, pour base de son travail, le travail presque classique de Ribadeneira, mais il n’a pas cru devoir le reproduire exactement ; et, au contraire, il a voulu le faire lui-même profiter de tous les travaux dont l’histoire d’Ignace de Loyola a été l’objet depuis trois siècles. L’illustration achève d’éclairer le texte, étant, comme elle est, tout historique, ou, comme on dit encore, uniquement documentaire.

Un autre bon livre, moins beau que bon, c’est celui de M. Charles Seignobos : Scènes et Épisodes de l’histoire nationale[2]. À la vérité, la confection matérielle en laisse peut-être encore quelque chose à désirer, mais nous avons presque tort de le dire, et l’intérêt du texte, joint à celui de l’illustration, suffit largement à recommander ce volume. C’est, en effet, à nos meilleurs artistes que l’éditeur s’est adressé. M. Cormon s’est chargé de nous montrer les Troglodytes de la Vézère ; M. Luminais, le Supplice de Brunehaut ; M. Luc-Olivier Merson, la Vocation de Jeanne d’Arc ; M. Rochegrosse, l’Entrevue du Camp du drap d’or ; M. Moreau de Tours, l’Assassinat d’Henri IV ; M. François Flameng, la Prise de la Bastille ; M. Édouard Détaille, l’Armée française après la bataille des Pyramides… J’en passe, et des meilleurs ; c’est le cas, ou jamais, de le dire. Quant au texte de M. Seignobos, il a toute la clarté, toute la brièveté qu’on pouvait désirer dans un ouvrage de cette nature, où, si je l’ai bien compris, il s’agissait surtout d’imprimer fortement dans les esprits ce que l’on pourrait appeler les épisodes essentiels de l’histoire nationale, ceux qu’il suffirait d’en connaître, à la rigueur, pour connaître cette histoire elle-même.

Avec la nouvelle édition de l’Enfer de Dante, illustré par Gustave Doré[3], nous arrivons aux livres d’art, qui ne sont guère plus nombreux cette année que les livres d’histoire. Au reste, nous ne saurions rien dire de cette « interprétation pittoresque de Dante » qu’ici même, il y a bien longtemps, M. Émile Montégut n’en ait dit, et nous pouvons nous contenter d’y renvoyer le lecteur. Ajoutons seulement qu’avec

  1. 1 vol. in-4o ; Plon.
  2. 1 vol. in-4o ; Armand Colin.
  3. 1 vol. in-fo ; Librairie Hachette.