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fâcheuses conséquences. Il faut voir, dans l’Introduction et dans le Livre premier de ce second volume, le parti que M. Müntz a tiré de cet argument. On ne trouverait, en effet, nulle part une « théorie de la renaissance » plus complète, ni mieux liée dans toutes ses parties, et, à cet égard, nous ne craindrons pas d’opposer le livre de M. Müntz aux livres classiques, en Angleterre et en Allemagne de MM. John Addington Symonds et Jacob Burckhardt. Le reste du présent volume, consacré à « l’âge d’or de la peinture italienne, » n’est que le développement, l’application, et la démonstration historique des principes posés dans l’Introduction.

Pour le livre de M. Bredius, les Chefs-d’œuvre du Musée royal d’Amsterdam[1], illustré, comme le Voyage autour du salon carré, de magnifiques photogravures, et traduit en français par M. Emile Michel, s’il ne touche pas lui-même à la question, on voit pourtant comment il s’y rattache. N’est-ce pas, en effet, le développement de la peinture hollandaise ? ne sont-ce pas les chefs-d’œuvre de Rembrandt et de Ruysdaël, de Paul Potter et de Gérard Dow, qui ont substitué dans l’école à l’idéal de la Renaissance un nouvel idéal dont le premier caractère est d’avoir sacrifié, non pas le charme, mais la beauté de la forme à l’expression du caractère ? S’il y eut jamais un art national, n’est-ce pas l’art hollandais ? et s’il a pris conscience de lui-même, n’est-ce pas précisément du jour qu’il s’est émancipé des traditions de l’italianisme ? C’est ce que l’on verra bien dans le livre de M. Bredius, quoique, à la vérité, si l’on en excepte cinq ou six, les plus belles toiles de Rembrandt et de Ruysdaël ne soient pas au Musée d’Amsterdam, ni même en Hollande. Mais ce qu’on y respire, c’est l’atmosphère du pays ; ce qu’on y trouve en abondance, ce sont des renseignemens sur ces maîtres moins connus et moins grands dont le génie n’a pas excédé les bornes de celui de leur race ou de leur temps ; c’est l’histoire enfin d’une école dont on pourrait dire que Rembrandt ou Ruysdaël n’ont écrit dans leurs œuvres que le roman ou l’épopée. On entend par là le genre d’intérêt que peut offrir la belle publication de M. Bredius. L’exécution matérielle en est de tous points remarquable. Et quant à la valeur du texte, nous ne l’apprendrons à personne de ceux qui connaissent les travaux du savant conservateur du Musée d’Amsterdam.

C’est ce goût enfin de réalisme, introduit par les Hollandais dans la notion de l’art, qui a modifié, depuis quelques années, jusques aux jugemens que nous portions naguère encore sur nos propres artistes. On en trouverait la preuve, au besoin, dans le livre très intéressant, aussi lui, sous ce rapport, de M. André Michel sur l’École française, de David à Delacroix[2]. En effet, s’il y a une idée générale qui relie

  1. 1 vol. in-folio ; Librairie de l’Art.
  2. 1 vol. in-4o ; Librairie illustrée.