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jeune institution débuta brillamment, et il fut permis de bien augurer de son avenir. Un cruel revirement ne tarda pas, cependant, à démentir les pronostics favorables. Blume, après s’être réellement surmené, dut retourner en Europe, en 1826, pour rétablir sa santé. Presque en même temps, le baron van der Capellen fut remplacé par le vicomte du Bus de Gisignies. Rien n’avait été négligé par le premier pour donner un nouvel élan à la colonie ; mais, en poursuivant ce but, en grand seigneur qu’il était, il avait trop délié les cordons de la bourse. Aussi, du Bus fut envoyé comme commissaire-général, avec ordre de diminuer les dépenses et de rétablir ainsi l’équilibre du budget colonial. Le commissaire exécuta les ordres qu’il avait reçus, et les dépenses furent immédiatement réduites, mais aussi que d’institutions utiles supprimées, ou peu s’en fallut ! Le jardin botanique de Buitenzorg fut la première victime des nouvelles mesures. Il fut sur le point de disparaître : en août 1826, les postes de directeur et de dessinateur furent supprimés ; on ne lui laissa qu’un seul jardinier européen. Par arrêté de l’année suivante, son budget spécial disparut et l’on décida que, dorénavant, il serait pourvu aux besoins du « Jardin botanique de l’état » avec une partie de la somme allouée aux gouverneurs-généraux pour l’entretien de leur parc de Buitenzorg.

Il y a heureusement des hasards providentiels grâce auxquels de chétives institutions résistent aux coups les plus meurtriers. Ces hasards se produisent lorsqu’un homme ferme et persévérant vit assez pour démontrer une fois de plus que la volonté triomphe, à la longue, des arrêtés les plus rigoureux, dus à des nécessités du moment, destinés à disparaître avec les circonstances qui les avaient motivés. L’homme se rencontra et le hasard se produisit. Le général comte van den Bosch, successeur du vicomte du Bus de Gisignies, débarqué à Batavia en janvier 1830, avait emmené avec lui de la Hollande un simple aide-jardinier, jeune homme qui avait occupé une position inférieure dans une maison de campagne près de La Haye. Vers la fin de l’année, le seul jardinier en chef resté au jardin tomba malade, retourna en Europe et mourut en route. On désigna, pour le remplacer, l’aide-jardinier du gouverneur-général ; il se nommait J.-E. Teysmann. Ce simple jardinier, qui n’avait d’autre instruction que celle de l’école primaire, reçut, un demi-siècle plus tard, un témoignage aussi brillant que rare de l’estime qu’il avait su s’acquérir dans le monde scientifique.

C’est à lui effectivement qu’en dehors des diplômes d’honneur, des médailles frappées à son effigie, des félicitations venues de toutes parts, fut offert un album dans lequel plus de cent