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de tous, mais sans se laisser bouleverser par les exigences variables du moment, bien souvent exagérées. C’est aux fonctionnaires placés par les gouvernemens coloniaux à la tête des jardins botaniques qu’incombe en premier lieu la tâche de lutter contre le manque de stabilité et d’esprit de suite, fléau de chaque colonie. Les gouvernemens ont non-seulement le droit, mais même le devoir d’exiger de ceux à qui ils confient ces postes, d’être exempts de vues changeantes et étroites, excusables chez d’autres, mais qui ne le sont jamais chez le naturaliste. Celui-ci a eu le bénéfice d’un enseignement scientifique éclairé, et on lui suppose une certaine largeur de vues, qui doit être le résultat de ses recherches personnelles.

Ces principes généraux admis, venons-en au mode de fonctionnement dans le cas particulier qui nous occupe. Le gouvernement des Indes néerlandaises autorise le directeur du jardin de Buitenzorg à répandre gratuitement des graines et des plants de végétaux utiles. En 1888, quatorze cents lots de graines, de boutures et de jeunes pieds de plantes utiles ont été expédiés dans toutes les parties de l’archipel. C’est surtout grâce au jardin d’agriculture qu’il a été possible de satisfaire à autant de demandes. Mais ce jardin fait partie d’un organisme scientifique et fonctionnerait bien mal s’il était seul. Les exemples suivans peuvent servir à en donner la preuve. Lorsque les remarquables propriétés anesthésiques de la cocaïne furent découvertes, il n’y avait qu’à aller aux deux pieds d’Erythroxylon Coca, du groupe des Erythroxylées, dans le jardin botanique proprement dit. On put récolter assez de graines pour faire une petite plantation dans le jardin d’agriculture. Lorsque, une année après, un savant insista auprès du ministère des colonies de La Haye pour qu’on favorisât l’introduction de l’Erythroxylon Coca à Java, on a pu répondre de Buitenzorg que des graines, récoltées dans le jardin d’agriculture, venaient d’être distribuées par milliers. L’arbre depuis longtemps connu comme producteur d’une gutta-percha de première qualité, le Palaquium (Isonandra) Gutta, ne croit peut-être plus nulle part à l’état spontané ; en tout cas, il n’est guère possible d’en obtenir des graines. Dans le quartier des Sapotacées du jardin de Buitenzorg se trouvent deux pieds, âgés d’environ trente à quarante ans, qui produisent tous les deux ans un grand nombre de graines. C’est d’elles que provient la jeune plantation du jardin d’agriculture, ainsi qu’un grand nombre de pieds compris dans une vaste plantation spéciale d’arbres à gutta-percha, commencée par le gouvernement, il y a quelques années, sous les auspices du jardin de Buitenzorg. Le